Avec ce coffret Claude Chabrol – première vague, riche et exigeant, Tamasa Distribution donne à revisiter l’un des chapitres essentiels du cinéma français : les premières vagues du réalisateur Claude Chabrol, précurseur de la « Nouvelle Vague », particulièrement attentive aux dynamiques sociales et morales.

Ce qui frappe dans cette collection, c’est moins la nostalgie que l’acuité. Chabrol y accompagne la bourgeoisie française dans ses désillusions, ses désirs non-dits, ses violences intérieures. Loin d’un cinéma de confort, ces films montrent une vérité trouble faite de trahison, de meurtre, de jalousie, de manipulation, de machisme, comme un miroir tendu à notre condition. Le réalisateur y sculpte la moralité dans la banalité du quotidien, montrant combien la grâce, ou plutôt sa perte, peut se glisser dans les interstices d’un repas de noces, d’une villa de bord de mer ou d’une liaison amoureuse.

Rédemption et péché

Derrière la machinerie des rapports de pouvoir, le thème de la culpabilité collective et personnelle interfère avec la grâce. Ces récits que Chabrol tisse ne sont pas des hymnes à la rédemption facile, mais des plongeons dans la réalité du péché humain et, implicitement, dans l’appel à une vigilance intérieure. Chaque personnage devra faire face à ses actes, à ses désirs et à ce qu’il dérobe ou trahit. Le coffret devient alors non seulement un objet « cinéma », mais aussi un outil de méditation sur les structures invisibles qui nous façonnent.

Techniquement, l’édition est soignée. Les films ont été restaurés en 2K, les masters récemment remastérisés, et le digipack met en valeur la sobriété des visuels, rappelant que Chabrol n’était pas un cinéaste de flamboyance mais de précision. Avec chaque DVD de multiple bonus accompagnent les films et, dans la version Blu-ray, d’autres sont ajoutés dans un blu-ray additionnel, ainsi qu’un livre d’accompagnement de 132 pages.

Plus qu’une rétrospective

Mais attention, ce coffret ne s’adresse pas à un public uniquement nostalgique. Il réclame du temps, de la réflexion. Les films ne cèdent pas au spectaculaire facile ; ils exigent que l’on reste attentif aux regards, aux silences, à la mise en scène travaillée. Ils imposent l’idée que l’esthétique même est un instrument moral… que voir c’est juger, mais aussi s’ouvrir à la compréhension. En outre, l’idée de « première vague » ne renvoie pas uniquement à une période historique, mais à une fraîcheur, à un désir de démarrer quelque chose, de questionner l’ordre établi.

Le coffret offre ainsi un chemin pour revisiter comment l’engagement anticonformiste peut passer par l’art, et comment le cinéma peut interroger les figures d’autorité, les normes, les rites invisibles.

En résumé, ce coffret est beaucoup plus qu’une rétrospective. C’est une invitation à revisiter notre rapport à l’autre, au pouvoir, à la morale. À travers les films de Chabrol, on est appelé à regarder derrière les façades, à entendre les silences, à affronter la question : « Que faisons-nous des désirs que nous taisons ? ». Il arrive parfois que l’art serve de veilleur silencieux. Ce coffret en est possiblement un.

Date de sortie : 18 novembre 2025