C’est ainsi que je saluais le départ de Pierre Tchernia, samedi 8 octobre au matin, en apprenant tristement la nouvelle. Un homme qui a accompagné ma petite vie, en particulier le temps de mon enfance et de ma jeunesse, à la fois comme homme de télévision (toute nouvelle encore) mais aussi comme l’un de ceux qui m’a appris à aimer le cinéma.

Pierre Tcherniakowski, de son vrai nom, né le 29 janvier 1928 à Paris, a grandi à Levallois-Perret. Son père, ingénieur, est un immigré ukrainien. Sa mère est couturière. Il avait participé, à l’ORTF, à la création du premier journal télévisé en 1949 qu’il avait ensuite quitté en 1955 pour devenir animateur d’émissions de variétés (La clé des champs, La boîte à sel). Il collabore à Cinq colonnes à la Une, présente La Piste aux étoiles à partir de 1965, L’Ami public numéro 1 (consacré à l’univers de Walt Disney), SVP Disney, qui a marqué le jour de Noël de 1964 à 1978. Il lance aussi en 1966 un jeu télévisé consacré au cinéma, Monsieur Cinéma, qui teste les connaissances de candidats sur le 7ème art, et devient une émission culte. Avec cette émission et celles qui lui succèdent (Jeudi cinéma, mardi cinéma…), il transmettra pendant 20 ans son amour du cinéma et finira par incarner le grand écran sur le petit. Il y gagne le surnom de Monsieur Cinéma, alors que ce terme désignait en fait le gagnant du jeu.

Journaliste, animateur, Pierre Tchernia était aussi réalisateur. Il a mis en scène cinq œuvres de Marcel Aymé (dont Le Passe-muraille et Héloïse) pour la télévision, et réalisé Le Viager, Bonjour l’angoisse, La gueule de l’autre. Mais il passe aussi de l’autre coté de la caméra et devient acteur dans une vingtaine de films. Il a participé à l’adaptation de plusieurs albums d’Astérix en animation, prêtant sa voix à la narration de plusieurs films de la série. Il a également participé avec Goscinny et Morris à la réalisation, au scénario et aux dialogues du long-métrage Lucky Luke : Daisy Town. On le retrouve à la télévision, aux côtés d’Arthur, pour l’émission Les Enfants de la télé de sa création, le 17 septembre 1994 sur France 2 jusqu’en juin 2006 sur TF1, l’émission se poursuivant sans lui depuis lors. Le 18 mai 2008, il fait sa dernière apparition télévisée, en tant qu’invité dans l’émission de France 2 Vivement dimanche présentée par Michel Drucker.

Je voudrai profiter de ces quelques lignes pour souligner un autre aspect reconnu de tous ceux qui l’ont fréquenté. Pierre Tchernia était un homme gentil, simple et, comme l’évoquait Bruno Masure dans un tweet ce même samedi, quelqu’un qui ne se prenait pas au sérieux. Je disais « un » et non « quelques » car il me semble que tout cela forme un tout, forgeant une vraie personnalité authentique tant à l’écran que dans la vrai vie. Un homme d’une grande culture, qui rassemblait… Il faisait un peu partie de chaque famille, quelques soit leurs milieux d’origine, en étant aussi surnommé parfois, utilisant encore un titre de l’une de ses émissions, l’ami public n°1, avec sa mine bienveillante comme d’ailleurs ses amis Goscinny et Uderzo savaient le caricaturer dans plusieurs albums d’Astérix. Et un ami… punaise… ça fait du bien !

Ce savoir faire pour unir plutôt que diviser, on l’a vu évidemment en premier lieu apparaître dans un combat entre petit et grand écran que lui ne souhaitait pas et au contraire a su vaincre. Le grand trouvait sa place dans le petit et même plus encore, y trouvait de nouvelles lettres de noblesse. La télévision tend à nous donner aujourd’hui d’autres modèles de journalistes et animateurs. La bêtise l’emporte sur la culture et l’agressivité sur la bienveillance. Comme si d’ailleurs la culture était forcément rasoir et la bienveillance rimait nécessairement avec mollesse, hypocrisie et soumission. Ce qui « buzz » se situe d’avantage dans les clashs, affrontements et dénonciations (quoique les chats ont encore la faveur et restent les vrais héros de la toile J). Il y a sans doute un juste milieu dans tout ça. D’ailleurs, là aussi, Pierre ne divisait pas non plus les générations d’animateurs et c’est ainsi que les plus jeunes d’entre nous ont pu profiter de sa présence avec Arthur. Celui qui commença sa carrière en se présentant comme « le plus cons des animateurs de la bande fm » a beaucoup appris à ses côtés. Il disait d’ailleurs que pour Magic Tchernia, comme il l’avait baptisé, « c’était un plaisir de faire de la télévision, et pas un métier ».

Une choses est claire, des figures comme celle de Pierre Tchernia manquent cruellement sans faire preuve de nostalgie absurde ou de « c’étaitmieuxavantisme ». Enfin manquent… lui restera quoiqu’il en soit dans les mémoires, les archives, déclenchant sourires et souvenirs façon « madeleine de Proust ».