Club Zero vient tout naturellement prolonger le scénario du précédent film de Jessica Hausner, Little Joe, une parabole cinématographique à tiroir qui questionnait la notion du bonheur. Avec le même univers visuel fait de couleurs vives, et une manière de filmer très spécifique à Hausner, Club Zero interroge les croyances radicales en utilisant une satire nutritionnelle.

Miss Novak rejoint un lycée privé où elle initie un cours de nutrition avec un concept innovant, bousculant les habitudes alimentaires. Sans qu’elle éveille les soupçons des professeurs et des parents, certains élèves tombent sous son emprise et intègrent le cercle très fermé du mystérieux Club Zéro.

La question de la foi et du jeûne

Au cœur de cette histoire fascinante, Miss Novak, interprétée avec grande classe par Mia Wasikowska, gourou des assiettes sachant manier l’emprise psychologique avec un certain génie. Mais au fond, à partir de cette critique acide, c’est surtout la question de la foi qu’aborde finement Hausner, avec la mise en exergue de ce qui peut être une forme de manipulation habile conduisant à un véritable embrigadement sectaire. L’utilisation du jeûne étant ici un moyen de provoquer un état d’euphorie qui favorise une impression d’éveil spirituel.

Une « religion de l’alimentation »

La cinéaste explique qu’« il nous faut comprendre la subjectivité de nos convictions pour comprendre comment Miss Novak et les élèves sont convaincus des leurs. Leur « religion de l’alimentation » est un exemple de croyance radicale. ». On le sait, et cela fonctionne d’ailleurs dans toutes les religions mais aussi tous les groupes politiques, sportifs… une « foi » détournée, manipulée, où le fake s’immisce plus ou moins discrètement, forge les déviances et autres radicalismes de tous poils où sévissent de multiples formes de contrôle de l’individu ou du collectif.

Une liberté promise qui devient néanmoins une ténébreuse aliénation. Des mécanismes où la peur a toujours sa place, et permet souvent le basculement. Une peur existentielle qui ici s’élargit à la question de la famille et à notre relation à l’essentiel. 

Des parents absents, mis de côté ou qui manquent de temps

Club Zéro se fixe, par exemple, à des parents qui délèguent leur responsabilité́ vis-à-vis de leurs enfants à une enseignante qui dévoie cette relation de confiance. Cette miss Novak manipule clairement les enfants et les sépare de leurs parents. Mais, intelligemment, Hausner greffe un problème à cette situation qui précède et explique partiellement la situation : Comment des parents peuvent-ils veiller sur leurs enfants quand ils n’ont tout simplement plus de temps à leur consacrer ? Hausner ajoute à cela ce classique constat que nous vivons dans un système reposant sur la méritocratie qui nous oblige à travailler de plus en plus, avec toutes les conséquences qui alors viennent se greffer.

Tout cela, et beaucoup d’autres choses encore, est à lire entre les lignes du scénario plein d’audace de la remarquable cinéaste autrichienne. Une proposition parfois glaçante et profondément dérangeante mais terriblement parlante où l’exagération qui confine à l’absurde offre un regard amusé sur les faces obscures du récit.