Réalisé par Michael Showalter, Dans les yeux de Tammy Faye, actuellement disponible sur la plateforme Disney +, raconte l’ascension fulgurante et la chute non moins spectaculaire de la célèbre et exubérante télévangéliste Tammy Faye LaValley, épouse de Jim Bakker. Après l’incroyable saga Netflix en 5 saisons de Greenleaf, façon Dallas mais au sein d’une famille pastorale d’une mega-Church noire-américaine, voici une nouvelle insertion filmique dans l’univers impitoyable d’un certain évangélisme où les dollars tomberaient du ciel mais pourraient bien aussi vous conduire vers les terribles feux de l’enfer.
Dans les années 1970 et 1980, Tammy Faye (Jessica Chastain) et Jim Bakker (Andrew Garfield), partis de rien, créèrent le plus vaste réseau d’émissions religieuses et le plus vaste parc à thème au monde. Ils furent d’abord vénérés pour leur message d’amour, de tolérance et de prospérité. Pendant des années, Tammy Faye fut célèbre pour ses sourcils tatoués, sa façon particulière de chanter et son empressement à s’éprendre de personnes venues de tous les horizons. Cependant, il ne fallut pas longtemps pour que les malversations financières, des rivaux intrigants et quelques scandales ne renversent leur empire soigneusement construit.
Basé sur le documentaire du même nom réalisé par Fenton Bailey et Randy Barbato en 2000, ce biopic donne à regarder une Jessica Chastain stupéfiante, à l’image de la femme qu’elle incarne. Pas étonnant alors que c’est avec deux statuettes que Dans les yeux de Tammy Faye est rentré de la 94ème cérémonie des Oscars du 28 mars dernier : Meilleure actrice pour Jessica Chastain et meilleurs maquillages et coiffures (comme une évidence !). Une histoire, somme toute, qui aura l’apparence d’un véritable ovni pour l’immense majorité de français totalement ignorants de ces courants spirituels (pourtant aussi existants de moindre façon par chez nous) et du scandale qui les frappa dans la fin des années 80.
En toile de fond, on assiste donc à l’essor de la religion-spectacle à la sauce « Évangile de la prospérité ». Cet aspect de l’histoire est assez fascinant, il faut le reconnaître, entre autres parce qu’à l’instar de l’ensemble du film, il est amené par l’entremise du seul point de vue de Tammy Faye. Car oui, le titre évoquant son regard est à prendre au propre comme au figuré. L’accent mis d’ailleurs sur le désir de Tammy Faye d’être vue, et de voir et comprendre le monde qui l’entoure, est clair dès le début du film. Nous voyons précisément Chastain capturer ce désir lorsqu’elle explique à une maquilleuse que les lignes sombres autour de ses yeux et de ses lèvres sont permanentes, et qu’elles n’attendent qu’à être mises en valeur avec du fard à paupières et du rouge à lèvres. Dans cette même teneur, un autre moment clé d’interprétation se situe sans doute également quand sa mère la met en garde dans sa relation avec Jim Bakker : « Tammy Faye, si tu suis aveuglément, à la fin, tu ne seras qu’une aveugle ».
L’un des aspects les plus impressionnants de la performance de Jessica Chastain est que, tout en montrant comment sciemment son personnage tirait un bénéfice financier de son ministère, elle parvient à faire preuve d’empathie pour elle. Chastain explique : « Tammy n’est pas véritablement une caricature, ni d’ailleurs non plus une personne particulièrement profonde. Mais c’est une personne intensément aimante. Elle voulait apporter paix et grâce aux gens. Elle les aimait sincèrement. » Ce qui distinguait d’ailleurs Jim Bakker et Tammy Faye de nombreux autres télévangelistes de l’époque, c’est qu’en plus de prêcher ce frauduleux évangile de la prospérité, de leur amour du clinquant et de leur capacité invraisemblable à collecter tant de fonds – même après l’inculpation de Jim Bakker -, ils nourrissaient les affamés, habillaient les pauvres, hébergeaient les jeunes mères enceintes sans abri à Heritage USA et manifestaient une vraie forme d’inclusivité (notamment pour la communauté homosexuelle).
Malgré la performance de Chastain et le talent de Garfield à ses côtés, Dans les yeux de Tammy Faye reste au demeurant un biopic assez classique. Mais il offre une perspective séduisante à tous ceux qui s’intéresse un tant soit peu aux questions de spiritualité. Il n’est construit ni à charge ni à décharge, mais cherche à comprendre comment un tel personnage se construit en reprenant les choses dès l’enfance, avec les traumatismes familiaux et spirituels que cette femme a connus, pour les conduire jusqu’à une scène finale musicale nous faisant comprendre peut-être mieux une certaine dimension mystique qui l’accompagna jusqu’au bout.