Les jours et les nuits qui séparent Noël de l’aube d’une nouvelle année provoquent, dit-on souvent, de lourdes crises- individuelles, familiales, collectives. Il est vrai que la promesse formulée douze mois plus tôt, semblable à celle d’une mère possessive à son fils, n’est pas toujours tenue. Cela donne envie de voir l’avenir en noir- en outre-noir si l’on aime la peinture. Mais, à la condition de ne pas subir de grave pathologie, ne devrait-on pas, tout au contraire, louer cette période où l’on peut laisser divaguer ses pensées?
Passer les jours en revue n’interdit pas de passer les revues de nos jours. Ici même- si l’on ose écrire, puisque la toile est un espace virtuel- on encourage à foison la lecture de la presse protestante. Aussi pouvons-nous faire deux pas de côté sans nous renier. D’abord en direction de L’Histoire, un mensuel d’une richesse à nulle autre pareille, qui consacre à Mussolini son numéro spécial, à Pasteur un dossier conséquent. «Connaître le fascisme historique nous aide à mieux saisir la vague actuelle des populismes, la séduction que peuvent exercer des régimes antidémocratiques sur les peuples. Et à mieux identifier les dangers présents, au-delà des assimilations sommaires», écrit Michel Winock en préambule du numéro intitulé « Révolution Fasciste ».  En ce qui concerne la pertinence d’un hommage au savant de Dôle, pas besoin de vous faire un dessin : virus et vaccin sont devenus les duettistes les plus célèbres de notre vie quotidienne.

Ne pas oublier les jésuites 

Ensuite on n’oubliera pas les jésuites. A cette affirmation, certains vont s’insurger: « ces gens-là ne sont-ils pas nos ennemis ? » Le fait que François- on parle du petit gars qui siège à Rome, pas du président de la rue de Clichy- vienne de cette illustre Compagnie, peut faire tiquer les ombrageux. Mais François Euvé, rédacteur en chef de la revue Etudes, ouvre ses portes aux protestants de façon magnifique. Notre chère Valentine Zuber, directrice d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, fait partie du comité de rédaction, tout comme l’historien Nicolas Roussellier. Voilà de quoi vous rassurer sans doute et vous inciter à lire cette revue de très haute tenue.
Tout cela, c’est bien joli, mais pour affronter l’avenir, il nous faudrait des guides, une carte, enfin, quelque chose d’efficace. « Venons maintenant aux choses. La première et le fond de tout, c’est de savoir très bien les Ecritures de l’Ancien et du Nouveau Testament. » Sage conseil que ne renieraient sûrement pas les protestants. Seulement celui qui le donne est un évêque prénommé Jacques Bénigne…Laissons Bossuet, puisqu’il s’agit de lui, dormir un brin sur les rayons de la bibliothèque. Esther, quand on aime les altitudes, cela vous porte autrement :

«Ce Dieu, maître absolu de la Terre et des Cieux/ N’est point tel que l’erreur le figure à vos yeux/ L’Eternel est son nom. Le Monde est son ouvrage/ Il entend les soupirs de l’humble qu’on outrage/ Juge tous les mortels avec d’égales lois, et du haut de son trône interroge les Rois. »

Silence, pause, demi-soupir. On l’a dit, les jours qui nous séparent du premier jour de l’an neuf ont un je ne sais quoi d’incertain qui s’accommode mal de la grandiloquence. Alors ? Alors on ouvre de nouveau la porte étroite qui conduit rue Vaneau. « Vers 5 heures le temps fraîchit ; je fermai ma fenêtre et me remis à écrire. A six heures, entra mon grand ami Hubert ; il revenait du manège. Il dit : « Tiens, tu travailles ? Je répondis, j’écris « Paludes ». Un début de récit comme une fenêtre sur la modernité. Gide n’avait pas le talent d’inventer des fresques romanesques, mais pour le reste… Il a formulé, dans un autre ouvrage fondamental, une proposition comme une étoile:

«Nathanaël, je te parlerai des attentes. J’ai vu la plaine pendant l’été attendre; attendre un peu de pluie. La poussière des routes était devenue trop légère et chaque souffle la soulevait. Ce n’était même plus un désir, c’était une appréhension. La terre se gerçait de sécheresse comme pour plus d’accueil de l’eau. »

Serait-ce une clé ? Nous nous replierions ces jours-ci pour mieux recevoir les mois qui s’annoncent. En lisant ces quelques mots, nous reviennent à l’esprit les vers de Shelley :

« Je me meurs du désir de musique divine/Mon cœur tant il a soif est une fleur mourante/ Verse le son comme un vin enchanté/ Délie les notes en une averse argentine/ Comme une plaine sans herbe, pour la pluie bienfaisante/ A l’agonie je défaille, jusqu’à leur réveil. »

Ainsi sommes-nous, promeneurs de nous-mêmes, en attente d’une bonne année 2022. La promesse ? Qu’elle soit portée par l’amour.