Un drame psychologique aux allures de film d’action, blindé de références spirituelles et où le rôle phare est porté de façon absolument fabuleuse par le jeune américain Caleb Landry Jones qui avait déjà ébloui il y a deux ans dans Nitram (qui lui avait valu le prix d’interprétation masculine à Cannes), après d’autres rôles déjà marquants dans Get Out ou 3 Bilboards – Les panneaux de la vengeance.
Les synopsis sont parfois riches et complexes, ils peuvent aussi se résumer à l’essentiel. C’est le cas ici avec DogMan : L’incroyable histoire de Douglas, un enfant meurtri par la vie, qui trouvera son salut grâce à l’amour que lui portent ses chiens. C’est aussi simple que cela – rien de plus, tout est dit… drame, souffrances, rédemption, grâce et fidélité… Ajoutez-y, tout de même, une bonne dose d’action et c’est parti… ça tourne !
Un anti-héros dont le super pouvoir est de communiquer avec les chiens
Luc Besson explique que c’est en lisant un article sur une famille qui avait jeté son enfant de 5 ans dans une cage que ce projet est né. « Je me suis demandé comment un être humain pouvait traverser une telle épreuve, surmonter ce traumatisme psychologique et émotionnel. C’est ce que j’ai eu envie d’explorer dans DogMan » ajoute-t-il. C’est l’histoire d’un outsider, d’un type abandonné, que tout le monde a maltraité et qui apprend finalement à se relever et à se débarrasser des ordures qui gisent sur son existence en utilisant son talent. Ce talent, c’est l’affection pour ses chiens, mais aussi plus largement, l’amour et le partage qui sont là au fond de ses tripes. Cet anti super-héros, a comme pouvoirs spéciaux une capacité innée à communiquer avec les chiens et à les dresser, en leur donnant des instructions et des mouvements précis, tout en les laissant libres.
Les chiens ont été son réconfort pendant la majeure partie de sa vie, toujours loyaux et gentils avec lui, quoi qu’il arrive. Il utilisera cela à son avantage, après bien des souffrances, pour se débarrasser d’un grand nombre de personnes mal intentionnées, ce qui culminera dans un affrontement digne de ceux de Leon, Lucy ou Nikita, avec un gang local qui tente de s’emparer de son quartier.
« Les chiens ne mentent jamais »
Caleb Landry Jones tient le rôle principal, offrant une nouvelle fois une performance juste exceptionnelle et si complexe à la fois. Il donne à son personnage une dignité bouleversante, laissant transpirer la douleur quand il le faut, ses peurs et ses fragilités, mais aussi sa force et toute sa sensibilité. Il y a de vrais moments de pure grâce comme quand Caleb rejoint Salma (Grace Palma) son amour de jeunesse dans sa loge ou, plus encore, dans sa transformation en Edith Piaf. Un rôle peut-être pour un Oscar… qui ne serait que juste récompense.
Dans DogMan il y a aussi quelques jolis seconds rôles et, en premier lieu, Evelyn la psychiatre jouée par Jonica T. Gibbs. Mais les autres stars incomparables, ce sont tous ces chiens, tous aussi formidables – drôles, émouvants, inquiétants… Comment ne pas sourire, par exemple, face au splendide doberman qui garde l’entrée du refuge de DogMan ? Ou rester bouche bée devant le grand chien blanc et mince qui passe avec élégance au travers des barreaux pour porter la délivrance ?… Derrière eux, évidemment, c’est le travail extraordinaire de l’équipe de dresseurs ou plutôt de coachs, avec une double direction composée de Mathilde de Cagny et de Muriel Bec, gérante d’Animal Contact, société qui fournit des animaux pour la télévision et le cinéma français. Et puis, indirectement, c’est ce qu’en dit Douglas qui interpelle et fait réfléchir : Les chiens lèchent leurs amis et mordent leurs ennemis contrairement aux gens qui mélangent l’amour et la haine / Les chiens ne mentent jamais quand ils parlent d’amour…
Mais n’oublions pas tous les aspects techniques où Besson et son équipe offrent une partition à la fois classique et tellement séduisante. En utilisant le terme partition, une mention indispensable à l’ami fidèle, le « poto » de Luc… Eric Serra, toujours là et toujours aussi bon même quand il sort de ce qu’il maitrise si admirablement pour s’aventurer vers de nouveaux terrains musicaux.
La dimension spirituelle
Enfin, pour revenir sur le fond, DogMan, c’est une extraordinaire histoire de rédemption. Un quasi-prérequis du réalisateur quand il débute un scénario, me direz-vous peut-être, tant nombreux sont ses héros à expérimenter ce besoin. Mais ici, cette rédemption prend un tournant spirituel très intéressant que je vous laisserai découvrir et interpréter. Alors oui, il y a bien sûr une fin christique qui risque d’agacer plus d’un critique ou spectateur… (mais il est bon parfois de savoir irriter !). Mais, au-delà de cette utilisation, ce sont notamment les références à Dieu qui abondent dans les dialogues et par nombre de symboles, donnant un vrai sens supplémentaire à ce récit, et offrant possiblement un autre regard sur ce personnage si attendrissant qu’est Douglas, alias DogMan. Florilège de ce que vous entendrez dans les dialogues : Tu n’mérites pas l’amour de Dieu, seulement sa miséricorde / Je crois en Dieu mais, arrivé à ce stade de ma vie, ma question c’est Dieu croit-il en moi ? / Les gens ont besoin d’être aimés protégés, c’est pourquoi ils prient tous les jours / Tu es le diable. Je vais te renvoyer en enfer… Si Dieu le veut ! / C’est dimanche, le jour du Seigneur. Le jour idéal pour lui poser cette question …
Sans perdre de vue ce pseudonyme, DogMan, qui apparait dans l’envers partiel d’un infame « In the name of God » peint sur une bannière attachée aux barreaux de la cage qui enferme cet enfant aux milieux des chiens maltraités et préparés pour le combat.
L’endroit et l’envers de la foi, de l’amour, de la vérité… c’est sans doute là que se situe la véritable clé de l’histoire. Mais rassurez-vous, « À la fin Dieu reconnaît les siens », nous est-il rappelé dès le début.
Pas dans l’apparence certainement et ceux qui parlent fort, mais dans le fond du cœur, dans un certain essentiel invisible pour les yeux mais qu’un chien saura ressentir… certainement.