ELVIS, du scénariste et réalisateur australien Baz Luhrmann (Moulin rouge, Roméo + Juliette…) sort en salles ce mercredi 22 juin, après avoir été présenté hors-compétition au Festival de Cannes 2022. Un film exubérant, stylisé, audacieux.
La vie et l’œuvre musicale d’Elvis Presley à travers le prisme de ses rapports complexes avec son mystérieux manager, le colonel Tom Parker. Le film explorera leurs relations sur une vingtaine d’années, de l’ascension du chanteur à son statut de star inégalé, sur fond de bouleversements culturels et de la découverte par l’Amérique de la fin de l’innocence.
Elvis est une longue histoire ! 2h39 sur un rythme rock’n roll, à tous points de vue, pour retracer le parcours incroyable du King, avec de nombreuses ellipses et d’arrangements avec l’histoire… car le focus est ailleurs.
Il nous est dévoilé très vite, dès les premières minutes, dans une scène d’enfance absolument magnifique où le jeune Elvis Presley s’ouvre (et se déchire), comme une fleur face au soleil, dans une attirance et un tiraillement constant qui se développe entre les opposés… D’un côté, la tente de la mission protestante pentecôtiste où l’expérience spirituelle conduit à des transes charismatiques et une expérience du divin, pleine d’émotions et de ferveur. Et de l’autre, le bar où la guitare et la voix graillent un rythm’n blues sensuel qui offre aux corps des couples dansant de se perdent voluptueusement devant les yeux hagards des gamins voyeurs et admiratifs.
Un jeune blanc seul et rayonnant, au milieu de cet environnement culturel noir américain. C’est comme une ligne de vie qui se trace pour Elvis qui, jusqu’à sa mort, restera tiraillé entre ses convictions religieuses et son mode de vie.
Baz Luhrmann dessine alors une histoire de bien contre le mal, d’opposition constante entre deux entités : la foi, la piété et la démesure et la sensualité, l’art et le commerce, les blancs et les noirs.
Ce sont les propres tensions de l’icône mais aussi, plus largement, et très intelligemment proposées ici, celles de tout un pays qui nous sont racontées.
Elvis casse les codes en mélangeant les rythmes et les influences musicales, faites de spirituals d’abord, mais aussi de blues, de soul, de country et de rock.
Une époque qui me fait penser à un cocktail en devenir, les éléments étant intégrés dans un shaker qui se serait, lui-même, retrouvé dans les mains d’un barman expert et sexy… Elvis bien sûr, alias Austin Butler, bluffant dans son rôle ! Faisant, alors, bien plus que de créer un nouveau genre musical, mais mêlant deux cultures irréconciliables, puisque portées par des couleurs de peau différentes. Et dans ce cocktail aphrodisiaque et explosif se croisent ainsi BB King, Sister Rosetta Tharp, Jimmie Rodgers, Little Richard, Mahalia, Hank Snow, Arthur « Big Boy » Crudup mais aussi Priscillia, Martin Luther King ou Bobby Kennedy.
Cette histoire de bien contre mal se concentre, dans la perspective du réalisateur, dans ce rapport entre l’artiste, le bien de l’équation, et le colonel Tom Parker, le mal qu’il se refuse pourtant à endosser. Un angle saisissant mais assez légitime tant le King voua une forme d’amour-haine à son agent, tour à tour ange et démon, qui le propulsa en haut de l’affiche mais lui coupa aussi les ailes.
C’est l’histoire, finalement tragique, d’un jeune homme hyper talentueux qui a grandi dans la misère, est tombé amoureux du gospel et est devenu une star de la musique et du cinéma, un véritable Dieu de toute une génération aspirant à briser les jougs qui les emprisonnaient, le cri rebelle d’une génération, poussé finalement à une mort prématurée par un menteur roublard, cupide, opportuniste mais incroyablement habile.
Le travail technique sur ce film est éblouissant. Le directeur de la photographie, Mandy Walker, donnant à chaque décennie un aspect rétro singulier. Les monteurs, Matthew Villa et Jonathan Redmond, qui ont déjà travaillé ensemble sur le film Gatsby le magnifique de Luhrmann (2013), ont rassemblé des coupures de presse, de la musique, des vidéos, des détails d’époque et des reconstitutions classiques pour créer cette superbe bande-son. La femme de Luhrmann, Catherine Martin, qui collabore souvent avec lui, a fait un travail remarquable également comme costumière et conceptrice de la production.
Très clairement, tout cela est du pain béni pour Baz Luhrmann qui se retrouve si facilement dans la même démesure que celle de l’artiste sur lequel il fixe sa caméra, lui offrant ainsi le terrain propice pour une mise en scène spectaculaire et baroque, où la musique est centrale. Elvis est un régal pour les yeux et les oreilles !