Mais point d’exagération dans ce battage médiatique, la nouvelle réalisation du très doué Damien Chazelle qui nous avait déjà émerveillé avec Whiplash en 2014, est véritablement une petite merveille du genre.

Au cœur de Los Angeles, une actrice en devenir prénommée Mia sert des cafés entre deux auditions. De son côté, Sebastian, passionné de jazz, joue du piano dans des clubs miteux pour assurer sa subsistance. Tous deux sont bien loin de la vie rêvée à laquelle ils aspirent… Le destin va réunir ces doux rêveurs, mais leur coup de foudre résistera-t-il aux tentations, aux déceptions, et à la vie trépidante d’Hollywood ?

Quatre saisons pour raconter une histoire d’amour entre deux artistes… un pitch qui pourrait laisser songeur. Et pourtant ! C’est bien le prétexte à une magnifique histoire mise en image, en mouvement et en musique par Damien Chazelle. Vous le savez sans doute, ce La la Land est une comédie musicale. Mais réduire ce film à ce qualificatif serait une pure sottise. En même temps, comment ne pas commencer par cela car ça faisait un sacré bail que nous n’avions pu voir une telle proposition en matière de Musical. Chazelle nous téléporte dans l’univers des plus belles que le cinéma ait pu nous proposer… Singin’in the Rain, New York New York, Broadway Melody, Un Américain à Paris ou les Parapluies de Cherbourg sont inévitablement dans les esprits. Mais il réussit la prouesse de nous emporter plus loin en en faisant un film contemporain où les thématiques sont aussi valables aujourd’hui. Et dans la même dynamique, précisons que La la land est tourné en cinémascope, ce format extralarge qui était tant en vogue dans les années 50 et 60. Et dans le même temps il mêle un très haut niveau de technicité et un sentiment de naturel absolu porté par une photo sublime rappelant d’ailleurs très fortement l’univers de Whiplash.

Alors on danse, on chante évidemment comme dans toute comédie musicale, mais on joue aussi et on raconte une très belle histoire d’amour, contrariée bien sûr mais sublime et attendrissante, celle de Mia, la jeune comédienne et Seb, le pianiste de jazz frustré. Ils se croisent et se recroisent sans le savoir avant de tomber amoureux malgré eux. Ils partagent des rêves en commun mais ont aussi des rêves séparés et séparant. Mais l’amour n’est-il pas justement une opportunité pour les deux formes de projets ? Et l’amour peut-il y survivre ? Tant de questions au cœur de l’histoire mais plus simplement au cœur de la vie. La La Land est un film très juste sur l’amour, sa naissance, sa floraison, ses épreuves, ses risques. Jamais mielleux ni cynique, il navigue aisément dans cet entre-deux émotionnel avec raffinement. Et sans spoiler quoi que ce soit, il est agréable de reconnaître que la fin, ni tragique ni triomphante, ressemble elle aussi si souvent à la vie. J’évoquais des thématiques d’aujourd’hui encore, c’est par exemple aussi le cas plus largement avec cette réflexion sur ces moments de la vie où tout semble possible encore, parce qu’on a la foi, l’envie d’y arriver, parce que des rêves nous habitent, mais qui viennent peu à peu rencontrer la nécessité du choix, de l’engagement, voire même des compromis avec la réalité.

Et pour incarner Mia et Seb, Damien Chazelle a tiré le gros lot avec Emma Stone et Ryan Gossling qui forment un duo tout à fait remarquable et impeccable dans ce film intemporel. En effet cette modernité mêlée d’une couleur vintage apporte un charme particulier aux personnages. Pour ce qui est du jeu des deux acteurs, que pourrait-on ajouter ?… On touche à la perfection où la direction de Chazelle n’y ait sans doute pas pour rien. Un duo qui n’est pas une première mais dont on ne se lasse pas… tant la symbiose parfaite des acteurs crève l’écran.

Enfin, il y a le son… la musique… et le jazz en particulier, un style qui semble par ailleurs coller à la peau du réalisateur américain. La La Land nous régale en la matière. Pas étonnant que la BO du film soit en tête des charts aux Etats-Unis. L’homme de la BO c’est précisément Justin Hurwitz qui avait également participé à celle de Whiplash. On y retrouve différents styles avec des chansons interprétées par les deux acteurs principaux, Emma Stone et Ryan Gosling dans le pur esprit Comédie Musicale façon Michel Legrand. Et là comment ne pas s’amuser à remarquer que ces parties chantées s’intègrent parfaitement à l’intrigue et arrivent avec un tel naturel qu’on trouverait presque normal de pousser la chansonnette en pleine rue. Viennent s’ajouter quelques instrumentaux de jazz, dont plusieurs morceaux au piano ainsi que la chanson Start A Fire du musicien de RnB, John Legend qui participe également au film en jouant son propre rôle et en interprétant ce titre. Un morceau qui pourrait bien lui valoir l’oscar de la meilleure chanson originale comme en 2015 avec Gloria dans Selma. On se régale donc de musique mais on en parle aussi. Et à ce propos, une scène savoureuse à ne pas rater… ce dialogue entre Mia et Seb sur le jazz et cette énervante habitude de le cantonner à une simple musique d’ambiance pour soirées huppées.

Je suis tombé sous le charme, vous l’aurez compris… conquis par la grâce de ce feel-good movie d’une fraîcheur et d’une beauté immense. Feel-good movie n’étant pas un gros mot, il convient parfaitement à La La Land, car on se sent bien pendant et après. Alors pourquoi s’en priver ?