Mardi 16 mai 2023, soirée d’ouverture du 76e Festival de Cannes. Le tapis rouge est en place, le cérémoniel habituel a commencé… robes de soirée et smokings grimpent vers le Grand Théâtre Lumière sous les flashs des photographes, les caméras du monde entier, les cris des badauds qui veulent immortaliser l’instant par un autographe ou un selfie. Les stars sont là… silence… on ouvre !
C’est en fredonnant Mi sono innamorato di te, quelques mots d’amour… Je suis tombé amoureux de toi que la maîtresse de cérémonie de cette cérémonie d’ouverture, Chiara Mastroianni, a fait son entrée sur la scène du Théâtre Lumière. Elle prolongera cet instant par ces mots : “Alors maintenant, que le cinéma nous emporte par sa beauté, sa force et sa joie”.
Elle a ensuite invité à ses côtés la réalisatrice marocaine Maryam Touzani, l’acteur français Denis Ménochet, la scénariste et réalisatrice britannico-zambienne Rungano Nyoni, l’actrice et réalisatrice américaine Brie Larson, l’acteur américain Paul Dano, l’écrivain afghan Atiq Rahimi, le réalisateur argentin Damián Szifron et la réalisatrice française Julia Ducournau, qui composent le jury des Longs Métrages présidé par le réalisateur suédois Ruben Östlund. Il insistera pour sa part sur l’aspect fédérateur qui accompagne une projection :
« Ce qui est merveilleux avec le cinéma, c’est de voir des films ensemble, unis, dans une salle, et d’échanger dessus à la fin des séances”.
Moment de grâce ensuite avec le groupe californien Gabriels qui revisite le standard « Stand by Me », la plus connue des chansons de Ben E King, mais aussi le titre d’un film de Rob Reiner, sorti en 1986.
Puis c’est la remise de la Palme d’or d’honneur par Uma Thurman à cette “star éternelle”, un “artiste généreux”, comme elle le présente si bien, Michael Douglas venu accompagné de son épouse Catherine Zeta-Jones et de leur fille Carys. Il surenchérit sur les propos de Ruben Östlund en disant notamment que « le cinéma souligne nos points de convergence et peut transcender nos limites et unir les êtres humains ».
Standing ovation… Puis, celle qui veille iconiquement sur cette 76ème édition, descend de son affiche pour rejoindre la scène et sa fille Chiara. Catherine Deneuve ouvre officiellement ce Festival, non sans oublier de dire, avec émotion, quelques vers de la poétesse ukrainienne Lessia Oukraïnka : « Je n’ai plus ni bonheur ni liberté. Une seule espérance m’est restée : revenir un jour dans ma belle Ukraine, revoir une fois ma terre lointaine, contempler encore le Dniepr si bleu, y vivre ou mourir importe bien peu, revoir une fois les tertres, les plaines, et brûler au feu des pensées anciennes… Je n’ai plus ni bonheur ni liberté, une seule espérance m’est restée.”
Mais la soirée n’est pas terminée. Qui dit cérémonie d’ouverture dit aussi film d’ouverture. Cette année, Cannes nous propose du grand et beau spectacle avec Jeanne du Barry, réalisé par Maïween qui y interprète avec brio son héroïne, Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, qui met à profit ses charmes pour sortir de sa condition jusqu’à se retrouver la favorite du Roi et vivre avec lui une grande histoire d’amour.
Le film sort aujourd’hui même en salle. Il marque aussi le grand retour de Johnny Deep sur grand écran, après ses déboires juridiques qui l’opposait à son ex Amber Heard. Il y tient le rôle de Louis XV avec justesse et sobriété et surtout un immense charisme. Mais c’est aussi la prestation très touchante de Benjamin Lavernhe qu’il faut retenir. il est le premier valet de chambre du Roi, La Borde, chargé de former la future jeune maîtresse dont il devient l’ami, aux usages de la cour (avant de présenter, vendredi 26, L’abbé Pierre, une vie de Combats dont il tient le rôle-titre.). Lavernhe incarne son personnage avec grâce, dans un positionnement fait de rectitude où se dispute à l’humour et l’émotion.
Jeanne du Barry offre une jolie évocation de la vie agitée à la cour du roi Louis XV, servie par une mise en scène somme toute très classique mais se voulant aussi marquée d’un esprit moderne, en abordant en particulier la condition féminine et certaines problématiques de notre société contemporaine.
On a là typiquement un vrai divertissement qui intègre du fond et le fait plutôt bien. Le tournage en 35 mm a en partie eu lieu au Château de Versailles et offre donc un décor on ne peut plus à la hauteur du projet et la conception des costumes est en plus remarquable, donnant vie à cette « culture royale à la française », luxueuse et grandiose, à travers des murs couverts de fleurs, des plafonds dramatiquement hauts et des robes de toutes les nuances et de tous les motifs. La partition de Stephen Warbeck est aussi parfaitement adaptée.
Maïwenn donne une interprétation engageante, pleine d’entrain qui permet aux spectateurs d’avoir de l’empathie pour Jeanne et de comprendre son cheminement et sa situation si particulière.