Comme dans tout bon festival, il fait bon surveiller à la Quinzaine cannoise ce qui se passe dans les sélections parallèles. La difficulté demeurant pour le spectateur accrédité d’arriver à jongler astucieusement entre horaires, salles et envies… paramètres auxquels s’ajoutent la fatigue, la chaleur, les devoirs (rdv, écriture d’articles comme celui-là…) et pas mal d’autres subtilités qui ne vous intéresseront pas forcément mais qui comptent quand même. Un vrai défi du quotidien du festivalier, je dois vous l’avouer. En un mot… il faut être ROBUSTE !
Oh oh oh… oui je vous l’accorde, l’accroche est un peu facile. Mais en ce premier vrai jour de Festival, allez… je me le permets.
Robuste, c’était l’ouverture ce matin de la 60e semaine de la Critique au Miramar, tout fraîchement refait à neuf, tout au bout de la Croisette par rapport au Palais. L’occasion de retrouver, dans ce premier film de la réalisatrice suisse Constance Meyer, Gérard Depardieu face à Déborah Lukumuena, révélée en 2017 par le bouleversant Divines de Houda Benyamina, qui forment là un duo tout à fait épatant.
Lorsque son bras droit et seul compagnon doit s’absenter pendant plusieurs semaines, Georges, star de cinéma vieillissante, se voit attribuer une remplaçante, Aïssa. Entre l’acteur désabusé et la jeune agente de sécurité, un lien unique va se nouer.
Délicat, drôle, attachant, profond et plein d’humanité sont les qualificatifs qui conviennent parfaitement à mon appréciation tant pour cette jolie histoire et son interprétation, que pour sa mise en scène. Robuste raconte une amitié qui se noue malgré les différences.
Alors il y a tout d’abord Georges, un rôle écrit sur mesure pour Gérard et qui ressemble tellement à l’idée que l’on peut se faire de l’acteur. Star vieillissante, plein d’amertume, fatiguée, qui ne supporte pas d’être sans cesse sollicitée, mais qui demeure attachant, en particulier dans certains rapports individuels construits autour de l’amitié. Un homme pétri de paradoxes, qui aimerait tant qu’on lui foute la paix, mais qui a un besoin vital d’une présence pour ne pas rester seul. Depardieu est tout simplement admirable avec, en plus, quelques sorties qui font mouche dans la salle. Magnifique final où l’acteur se retrouve à finalement jouer la fameuse scène tant répétée et entrer dans le « costume » de son personnage avec une éclatante élégance.
Et puis il y a Aïssa, cette lutteuse gréco-romaine, qui vient remplacer son « grand frère » et chef Lalou auprès de Georges. On a tous les éléments pour entrevoir se profiler le choc des clichés sur la confrontation de ces deux mondes aux antipodes l’un de l’autre. Mais non, Constance Meyer nous amène autre-part, choisissant d’installer une douce complicité qui se forge tranquillement entre les deux protagonistes. Déborah Lukumuena est superbe, elle rayonne dans ses diverses expressions et son regard capte l’objectif avec une puissance rare.
Robuste, c’est une rencontre de deux solitudes filmées avec une grande pudeur et beaucoup de délicatesse bienveillante. Un film qui fait du bien, et qui vous fait sortir de la salle obscure satisfait et intérieurement éclairé.