Véra, jeune vétérinaire d’un zoo, y hospitalise une tigresse malade, Rihanna, est l’« animal de compagnie » d’une famille de mafieux. Elle surprend le même soir son mari en plein adultère. Ivre de colère, elle oublie de refermer la cage du fauve qu’elle venait de nourrir. La tigresse s’enfuit et disparaît. La jeune femme et son mari prennent alors la tête d’une expédition hétéroclite qui se lance à la recherche du fauve.

Film animalier très particulier ? Film de genre ? Drame psychologique ? Film sur une femme blessée qui s’émancipe ? Il y a de tout cela dans cette Tigresse qui mêle allégrement les genres et que Andrei Tänase a solidement construit sur une double quête de liberté dont les fils s’entrelacent, celle de Rihanna fuyant les hommes et celle de Vera repoussant le sien.

Ajoutons à ces qualités tout un jeu séduisant de rimes et de correspondances entre la tigresse et la femme, et une réalisation sans failles, tant dans les atmosphères et les décors que dans l’interprétation et le déroulement de l’aventure.

Et pourtant — c’est pour moi le grand intérêt de ce film —, quelque chose de « fêlé » vient troubler la résonance de cette construction impeccablement soignée. Si tout cela n’était qu’un trompe l’œil ? Une sorte de pellicule opaque, impeccablement ajustée, armée en surface de tout un réseau de lignes attirant le regard et servant à masquer un autre aspect de la réalité : une société profondément fêlée, gardons le mot. 

Ainsi cette équipe de recherche improbable (mafieux tatoués, agents de police, vieux chasseur de fauves et couple en rade) dont la déclinaison à la Prévert est en évidente résonance avec celle des habitants du zoo croisés plus tôt dans leurs cages (éléphant, autruche, lémuriens, cervidés…).

Ainsi cette traversée d’une forêt à l’ombre et l’épaisseur quasiment amazoniennes débouchant dans une propriété de luxe ceinte de hauts murs qui protègent de leur discrétion une piscine et une pelouse lumineuse où […]