Le programme spatial de la NASA est resté au cœur de la culture américaine et au plus proche des espoirs et des rêves de tout un chacun. Les astronautes de la NASA, véritables héros et rock-stars de leur époque, doivent gérer la pression qui pèsent sur leurs épaules, tout en gérant la vie de leurs familles.
L’histoire alternative est un élément classique du genre de la science-fiction, mais elle est rarement traitée en profondeur. Avec For All Mankind, Ronald D. Moore a choisi une idée extrêmement intéressante pour sa série d’exploration spatiale. Le point de départ est simple, c’est ce que l’on appelle une Uchronie, un genre qui repose sur le principe de la réécriture de l’Histoire à partir de la modification du passé : Et si les Russes arrivaient sur la lune quelques semaines avant les Américains ? Été 1969 : Le monde entier assiste devant la télévision à un événement incroyable. Un homme s’apprête à marcher sur la Lune ! Mais… ses premiers mots seront en russe. Pas de « petit pas pour l’homme… ». C’est bien l’Union Soviétique, qui a remporté la course à l’Espace, ce qui n’est pas du tout du goût de Nixon alors au pouvoir. L’Amérique s’apprêtait pourtant à faire décoller Apollo 11, mais il est déjà trop tard. Alors, au lieu d’abdiquer et reconnaitre la défaite, le président américain va décider de mettre le paquet sur la conquête spatiale. Il décide de booster le budget de la NASA et lui ordonne de nouvelles missions, plus ambitieuses que jamais et où les femmes auront aussi leurs places.
Quiconque s’intéresse ne serait-ce qu’un peu à la question connaît les détails de base du programme Apollo, et la plupart d’entre nous connaissent aussi cette communauté d’astronautes, d’ingénieurs, de techniciens et de leurs familles qui s’est créée autour de l’audacieux projet de la NASA. Les films et séries sur cette période sont d’ailleurs nombreux, et l’on connait pas mal de personnages historiques comme Neil Armstrong, John Glenn, Buzz Aldrin ou le Dr Wernher von Braun. Ils sont là aussi présents dans For All Mankind mais s’ajoutent aussi de nouveaux personnages fictifs qui auraient pu facilement faire partie du programme original. Et c’est là déjà une grande réussite du programme : savoir jongler admirablement entre une peinture historique superbement dessinée et une pure fiction, qui s’amuse à réinventer le passé. L’ambiance de cette fin des années 60 est recréée avec tant de qualités que la série rivalise avec les meilleures productions qui se déroulent dans cette période si particulière et passionnante de la guerre froide. Pour les fans de tout ce qui est vintage, c’est un vrai délice – l’attention portée aux détails est quasi parfaite.
Les performances des comédiennes et comédiens, en particulier celle de Joel Kinnaman dans le rôle de l’astronaute Edward Baldwin, sont également remarquables. Car, autre réussite du projet, ce sont les aspects humains qui alimentent cette histoire, plutôt que les seuls « feux d’artifice » du programme spatial lui-même. La série garde ainsi les pieds sur Terre, même en apesanteur, ou même sur notre bon vieux satellite naturel. Les relations humaines et les caractères des uns et des autres rythment chacun des dix épisodes de cette première saison. C’est aussi alors la possibilité d’évoquer en substance pas mal de thématiques sociales, comme la place des femmes dans la société ou les jugements éthiques, politique et raciaux, tout en restant dans un flou entre la réalité historique et la fiction.
En choisissant de présenter l’histoire en mixant dystopie et utopie, le téléspectateur se retrouve nécessairement sorti de sa zone de confort et Moore nous rappelle que nous sommes bien au pays des « et si ? ». Le scénario est serré et inflexible en ce qui concerne les attitudes et les préjugés de l’époque. Une grande partie du drame se concentre sur des choses telles que le programme des astronautes et le contrôle de la mission. Avec les Russes en tête dans la course à l’espace, nous nous retrouvons avec une horloge qui fait tic-tac tout au long des épisodes ; l’URSS gagne une guerre culturelle en termes de développement de l’humanité, et les Américains doivent s’atteler à la tâche. Comme il s’agit d’exploration spatiale, l’objectif change constamment, ce qui signifie que des risques passionnants sont pris tout au long de la saison. Et puis, lorsqu’elle décolle encore plus près des étoiles, For All Mankind nous éblouit avec des séquences, notamment autour de la Lune, qui sont tout à fait spectaculaires, donnant un souffle épique à ce très bon scénario.
Enfin, dernière remarque, cette façon d’opérer possède ce merveilleux avantage de pouvoir nous surprendre à tout moment puisque rien n’est écrit, et tout est imaginable. On ne peut jamais savoir comment les choses vont tourner et le suspense est 100% garanti.
Tel un cocktail fait d’optimisme pour nous donner envie, de courage et de surprises pour être captivante et de beaucoup de fantastique pour inspirer nos rêves, For All Mankind a vraiment tout ce qu’il faut. Et nous ne pouvons qu’espérer que la série continuera dans cette même veine, car la deuxième saison a déjà été commandée par Apple TV+ qui réalise là, au début de sa propre histoire, un coup de maître.