Un casting de choix dans la compétition cannoise pour Frère et sœur, emmené par Marion Cotillard et Melvil Poupaud, pour un intense drame familial, fait de tragédies et de non-dits, d’Arnaud Desplechin.
Un frère et une sœur à l’orée de la cinquantaine… Alice est actrice, Louis fut professeur et poète. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Ils ne se sont pas vus depuis tout ce temps – quand Louis croisait la sœur par hasard dans la rue, celle-ci ne le saluait pas et fuyait… Le frère et la sœur vont être amenés à se revoir lors du décès de leurs parents.
Entre Amour et haine, douleurs, dépression, alcool, drogue, égos artistiques, et liens familiaux, Arnaud Desplechin fait le choix d’aller frontalement sur le terrain de l’émotion dans Frère et sœur, cette histoire intense et implacable d’un frère et d’une sœur séparés depuis plus de deux décennies par une mystérieuse rancune.
Et ce mystère va être exploité par le réalisateur de bout en bout, racontant, au fil de soigneux flash-back les raisons de ce déchirement mais sans pour autant lever entièrement le voile sur celles-ci, juste le découvrir subtilement pour laisser l’interprétation du spectateur libre. Liberté du choix, comme pour le reste de la famille d’ailleurs et leurs proches, sommés de choisir entre les deux camps, sans plus de vérités entendues. Comme si, finalement, nulle explication ne pourrait satisfaire à la compréhension.
Frère et sœur est une chronique familiale dont le déchirement constitue le moteur et qui tristement, sans doute, fait écho en nous.
La famille, le lieu de tant d’amour mais aussi de tant de souffrances quand, comme ici, ce n’est pas la haine qui l’emporte avec, en plus, les innombrables dommages collatéraux très bien évoqués par le scénario et la mise en scène.
Le jeu d’acteur est à son zénith avec cette distribution exceptionnelle – Marion Cotillard et Melvil Poupaud au cœur – dans un récit complexe de crises émotionnelles, elles aussi plurielles et tortueuses. Parmi les personnages périphériques importants, citons Joseph (Max Baissette de Malglaive), le fils d’Alice, d’une grande justesse et Lucia (Cosmina Stratan), une jeune réfugiée Roumaine qui attend à l’entrée des artistes et à laquelle Alice s’attache étrangement.
Il y a aussi le troisième frère, Fidèle (Benjamin Siksou), qui apporte un soupçon d’équilibre au milieu des désordres de toute part, ou encore le meilleur ami de Louis, psy, joué par Patrick Timsit très touchant dans son interprétation. Il verra débarquer dans son cabinet cette sœur dont il est fou amoureux en secret et qui, alors qu’elle vient juste se faire prescrire des médicaments pour pouvoir continuer à jouer sa pièce, essaie de lui faire raconter ses tourments, de tisser un lien dont il sait pertinemment qu’il ne peut exister. Nombre d’autres encore passent, interagissent, donne sens et vie à l’histoire.
Les expressions verbales et physiques des émotions abondent, souvent en très gros plans. L’éclairage d’Irina Lubtchansky est merveilleux. Alice et Louis affichent tous deux un sourire malicieux dans de nombreuses situations, mais sont autant capables d’une colère volcanique dans d’autres. Desplechin réussit parfaitement à montrer cette ambiguïté qui jaillit des profondeurs de l’âme humaine. Son choix de conclusion sera d’ailleurs possiblement aussi déclencheur d’émotions diverses chez le spectateur. Je choisis de ne rien dire pour vous laisser voir et réagir…
Une chose demeure, Arnaud Desplechin démontre encore dans Frère et sœur son talent dans sa volonté d’observer le chagrin, la douleur, et ses répercussions dans les relations humaines.
Mais il parvient à adoucir ces ambiances pesantes par certains sourires ou de l’ironie. C’est là, dans le maniement délicat de ce difficile équilibre que se joue alors la magie qui fait de son film une œuvre captivante.