Avec une approche minimaliste, se compose une histoire à plusieurs niveaux de lecture, où des espaces de non-dits sont laissés aux spectateurs pour que chacun puisse y projeter sa propre vérité. Le trame du récit met en valeur le point de vue d’une adolescente sans idéaliser ni diaboliser aucun de ses personnages dans cette histoire de randonnée entre un père et sa fille.

Sam, 17 ans, préférerait passer le week-end avec ses amis, mais elle accepte de rejoindre son père Chris, dans la région des montagnes Catskills de l’État de New York. Un endroit paradisiaque où Matt, l’ami de toujours de Chris, est hélas également convié.

Il faut avant tout reconnaitre que Good One se distingue comme une œuvre originale et extrêmement sincère. Révélé d’abord à Sundance puis à Cannes, dans l’excellente Quinzaine des Cinéastes, ce film nous plonge dans une histoire à la fois intime et universelle, qui résonne d’une manière inattendue, sans excès, sans véritable rebondissement, en douceur mais avec une féroce efficacité.

Une réalisation subtile et maîtrisée

La mise en scène d’India Donaldson se distingue par son langage visuel sophistiqué, qui privilégie l’expression du ressenti plutôt que l’action directe. Les plans, composés avec une précision quasi picturale, mettent en lumière les nuances émotionnelles du personnage de Sam, sans jamais céder au sensationnalisme. La caméra, souvent immobile, capte des moments de pure contemplation, nous laissant entrevoir le monde intérieur complexe de cette adolescente.

India Donaldson adopte ici une approche qui valorise les non-dits : chaque scène semble révéler des secrets, des regrets et des désirs enfouis, tissant un canevas narratif qui échappe aux mots.

Pourtant, les dialogues sont nombreux, en particulier entre le père Chris et son copain Matt. Ils parlent… mais il ne communiquent pas vraiment. C’est là sans doute, précisément, que tout se joue. La réalisatrice, pour accentuer les choses, met tout au service de la perspective de Sam. C’est ainsi qu’une grande partie des dialogues, en particulier les conversations qui ont lieu dans le film entre les deux hommes, se passe hors champ et devient comme une texture du design sonore. La caméra, elle aussi, reste aussi longtemps que possible sur Lilly Collias (la comédienne qui incarne Sam). À travers son jeu, vous pouvez voir à quel point elle peut absorber ce qui se passe autour d’elle à différents niveaux et être à la fois très présente dans l’instant présent. 

Lily Collias : une performance dans la retenue

Avec une subtile assurance et une aisance émotionnelle à l’écran, on ne devinerait jamais qu’il s’agit de son premier rôle principal. Lily Collias livre une performance intense, entièrement basée sur le langage corporel et les silences. Elle excelle à rendre visibles les émotions contenues, les hésitations, et les petites failles qui révèlent l’âme du personnage. Son jeu s’ancre dans une subtilité qui rend chaque mouvement, chaque pause, infiniment signifiant. Elle transforme ce que le spectateur pourrait interpréter comme un simple moment d’ennui ou de fatigue en une réflexion profonde sur le poids des choix et des attentes non accomplies.

Une exploration des non-dits comme miroir de la quête de sens

Le film prend le risque de s’aventurer dans l’inconfortable. Donaldson ne donne aucune réponse facile aux questionnements existentiels de Sam. La recherche de sens de la protagoniste est ainsi proposée comme un chemin non linéaire, fait de doutes et de moments de répit inattendus. Les scènes les plus mémorables sont celles où le silence remplace les mots. Par exemple, un simple regard par la fenêtre ou un geste anodin acquièrent une dimension métaphysique, invitant le spectateur à se questionner sur la signification de chaque acte, aussi insignifiant soit-il. Tout le film repose en fait sur une seule ligne de dialogue qui entache ce qui aurait pu être une escapade idyllique.

Une dimension universelle

Derrière sa modeste apparence, Good One explore des thèmes universels avec une délicatesse qui s’adresse à l’expérience humaine la plus intime. India Donaldson touche à l’universel à travers le particulier, en ancrant profondément l’expérience de Sam dans le quotidien, mais avec une justesse qui touche chaque spectateur. Les relations humaines et familiales sont esquissées avec une retenue qui en révèle l’intensité. Abordant des sujets tels que la famille, le consentement et la confiance, Lily navigue avec assurance dans les méandres du film, tout en menant des conversations intéressantes et curieuses.

Sam est présentée comme « a good one » comme l’indique le titre, une jeune femme sage et plutôt accommodante, qui accepte, parfois contre son gré, tout sortes d’injonctions du quotidien prescrites par ces deux hommes. Alors que Matt se complaît dans ses sentiments comme un enfant capricieux et lunatique, elle parcourt des kilomètres sans se plaindre, trouve des moyens subtils de servir de médiateur entre les deux amis quand cela est nécessaire, prépare de quoi manger et trouve des endroits cachés où changer ses tampons (sans réelle intimité). Cette expression « good one » est en réalité lourde de sens, on le comprend. C’est un compliment, bien sûr, en apparence… mais souvent un compliment détourné, qui laisse entendre qu’avec les « bonnes filles » tout peut aussi s’envisager. Mais voilà, Sam n’est peut-être pas tout à fait celle que l’on voudrait qu’elle soit.

Avec Good One, on quitte la salle avec une certaine mélancolie, mais surtout avec une envie de mieux saisir la beauté des moments simples et des questions non résolues. Car c’est un film qui réussit le pari audacieux d’être à la fois divertissant et réfléchi. C’est aussi un portrait touchant d’une génération en quête de sens qui prouve qu’India Donaldson et Lily Collias sont des talents à suivre de près.