« Les circonstances qui ont permis à Henri IV d’accéder au trône de France, après trente ans de guerres civiles et la mort de tous ceux qui pouvaient lui faire obstacle », sont tellement surprenantes que lui-même et les hommes de son temps, très religieux, étaient persuadés que la divine Providence (Dieu en action parmi les hommes) l’avait choisi pour réunir l’Église. « L’historiographie unanime convient qu’il a bénéficié continûment, d’une chance inouïe et que son principal mérite est d’avoir su la saisir ». Cet ouvrage nous montre qu’il bénéficiait aussi d’une intelligence hors pair, d’une exceptionnelle sagesse et d’un grand courage.

Son grand-père est un grand feudataire chassé sans ménagement du royaume de Navarre en 1512 par Ferdinand d’Aragon mais qui règne encore sur la vicomté de Béarn, le comté de Foix, le comté de Bigorre, la vicomté de Limoges, le comté de Bigorre et la Basse Navarre. Premier prince du sang, chef de sa maison qui descend en droite ligne du dernier fils de saint Louis, il a épousé la sœur de François 1er. Sa seule héritière est une fille, Jeanne, qui a épousé Antoine de Bourbon, duc de Vendôme et c’est un mariage d’amour. C’est grâce à la sollicitude de son grand-père que le futur Henri IV devient leur héritier car la négligence de ce jeune couple est responsable de la mort de deux autres de leurs enfants mâles. Henri d’Albret le soustrait à ses parents, avec leur accord, dès sa naissance en 1553 et le confie à des cousins, un couple de châtelains de la noblesse locale du Béarn. Ils l’élèvent d’une façon rustique avec leurs enfants l’accoutument à la souffrance physique et aux baignades dans le Gave de Pau qui lui permettront d’avoir une belle santé. Il goûte à la liberté ; il côtoie le monde paysan de l’intérieur et s’y fait des amis fidèles ; il apprécie tout ce qui l’entoure, la nature avec ses bêtes, ses arbres… Mais ses éducateurs le forment aussi comme un futur chef.

C’est le moment où Calvin s’attaque au monopole du catholicisme romain en France (25 ans après l’extension du luthéranisme en Allemagne) et où Jeanne, après la mort de son père en 1555, se convertit. Son époux, qui a conservé la politique de coexistence pacifique de son beau-père tout en résistant aux pressions des réformés pour se convertir, ne la comprend plus ; elle se conduit comme « un dragon de vertu avec austérité en tous domaines »… Elle est impuissante à le faire changer d’avis et déclare publiquement son adhésion à la Réforme en 1560. C’est une déclaration de guerre conjugale et même de haine. Elle est contrainte de quitter la Cour et de retourner dans son fief, à Nérac. Son fils va subir le contrecoup de cette rupture.
Son père, qui en a la garde, lui fait jurer, avant de mourir au siège de Rouen en 1562, de garder la foi catholique. En revanche, sa mère retrouve ses choix éducatifs et lui fait faire un retour au calvinisme tout en acceptant qu’il continue, en tant que huguenot, de partager les études et les jeux des fils de Catherine de Médicis régente depuis la mort de son époux Henri II.

Henri n’a que 9 ans et c’est le début de 32 ans de guerres de religion qui mettent la France à feu et à sang pendant lesquelles sa mère est un élément très influent du calvinisme, surtout à La Rochelle dont elle devient l’intendante et la gestionnaire reconnue. Le massacre des réformés de Wassy, le 1er mars 1562, par le duc de Guise est l’événement déclencheur d’une terrible série comme l »Anabase de Coligny » et de ses reitres sans argent et sans bagages en 1570 qui ravage les terres, massacre les populations civiles sur une grande partie de la France. Henri, qui a des liens dans les deux camps, découvre la politique et la guerre. Il a assisté, horrifié, à l’expédition en tant que page de Coligny. « La Réforme aux mains tachées de sang devient plutôt un repoussoir ». Il est persuadé que sa mission est désormais de faire prévaloir la paix entre les deux religions. Il lui faudra encore 26 ans pour y parvenir… La mort de sa mère en 1572, les massacres de la Saint-Barthélemy en 1574, au moment de son mariage avec Marguerite de Valois, son abjuration de la foi réformée la même année, la mort de Charles IX, celle d’Henri III et de son frère François d’Alençon vont, finalement, le faire accéder au trône en 1594 sans qu’il l’ait réellement désiré…

Le conflit se termine, quatre ans plus tard, par l’Édit de Nantes. C’est un édit de pacification qui fixe le statut des protestants dans le royaume, leur accès à tous les emplois dans l’administration royale, l’égalité civique et le maintien de leur appareil militaire avec leurs nombreuses places de sûreté. La paix du royaume sera à ce prix.

Outre le rappel historique passionnant d’événements souvent tombés dans l’oubli, ce très riche ouvrage nous révèle que cet homme est d’une grande intelligence, naturellement bon, ignorant la jalousie, la haine, la violence gratuite et la cruauté. Il réprouve l’austérité et l’ascétisme. Beaucoup plus que « le bon roi Henri « , « le vert galant », « le panache blanc » de la légende, il fut en réalité un très grand roi de France.

Ce livre contient une trentaine de pages d’annexes dont quatre de généalogie de la Maison de France, une carte de la France des guerres de religion, la liste des principaux personnages, 11 pages de chronologie et enfin sa bibliographie.