Lorsque l’on lit les récits de Noël, c’est la venue du Christ qui est au centre. Il y a pourtant une autre histoire : l’annonce de la naissance du « roi des Juifs » aurait tant effrayé le roi Hérode qu’il aurait ordonné la mort de tous les enfants mâles jusqu’à l’âge de deux ans. Même si cet épisode dramatique n’est certainement pas arrivé, on ne compte pas les tableaux, fresques ou sculptures qui ont été inspirés par ce thème à travers les siècles. Le domaine de Chantilly organise une exposition autour du célèbre tableau de Poussin (récemment restauré) qui a renouvelé le traitement du sujet, et son influence dans la peinture jusqu’à nos jours.

Rupture du modèle

Les artistes qui ont choisi de représenter le massacre des Innocents ont le plus souvent cherché à donner l’impression de multitude avec des corps de bébés épars, tandis que des anges accueillent les innocents au ciel. Poussin, lui, voulait se distinguer et a fortement innové en peignant un seul enfant écrasé par un soldat, tandis que toute la lumière est faite sur le visage de la mère qui hurle son désespoir, le plus réussi de tous les pleurs humains en peinture, d’après le peintre Francis Bacon. Cette femme personnifie ainsi à travers les âges tous les drames vécus pendant les guerres, tous les malheurs des mères sans défense qui voient mourir leurs enfants. En arrière-plan, une autre femme semble prendre à témoin un ciel vide. L’histoire du tableau est amplement racontée, ses esquisses préparatoires et ses propriétaires, depuis la commande d’origine à Rome jusqu’au duc d’Aumale, fils de Louis-Philippe. Mort bien après sa femme et ses enfants, il a légué à l’Institut tout le domaine et ses mirifiques collections d’œuvres d’art à la condition de respecter l’accrochage et la disposition décidés par lui, ce Poussin occupant une place centrale.

Riche postérité

Parmi les tableaux contemporains qui ont été rassemblés, l’exposition montre un intéressant Cornelis Schut qui a été commandé comme le Poussin par la même famille, famille elle-même traumatisée par l’exécution d’une vingtaine de ses membres adolescents, qui avaient refusé de se convertir après avoir été fait prisonniers par les Turcs. Raconter l’histoire des tableaux, de ceux qui les ont commandés et de la façon dont les hommes les regardent depuis lors fait l’intérêt et l’originalité de l’exposition. Le visiteur peut ainsi comprendre les motivations de ceux qui ont choisi d’accrocher chez eux une toile aussi forte, et le choc qui a saisi ceux qui l’ont contemplée depuis, les artistes qui s’en sont inspirés. L’exposition se poursuit avec l’abondante postérité du chef d’œuvre aux XVIIIe et XIXe siècles, jusqu’au XXe avec en particulier un Picasso et un Francis Bacon.

Il est frappant de voir de nos jours encore autant de toiles influencées par le maître du XVIIe siècle. Tant il est vrai que les histoires d’enfants assassinés continuent de nourrir l’actualité, dans l’Espagne de Picasso comme dans la Syrie aujourd’hui.

  • Le massacre des Innocents : Domaine de Chantilly, jusqu’au 7 janvier, tlj sauf mardi de 10h30 à 17h.

Presse régionale protestante

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