Il y a des dizaines de milliers d’années, des hommes et des femmes, partout sur la planète, ont ressenti une aspiration vers l’art. Parmi les décors, sculptures ou dessins qu’ils ont créés, de nombreux exemples, intemporels ou incroyablement modernes, sont proposés à notre admiration cet hiver au musée de l’Homme. Luttant pour sa survie dans un environnement hostile, Homo sapiens a pris du temps pour concevoir des œuvres qualifiées aujourd’hui d’artistiques. La découverte de grottes décorées et d’objets sculptés ou gravés ne cesse de faire progresser notre connaissance de la préhistoire. Depuis le XIXe siècle, les scientifiques cherchent à comprendre nos ancêtres avec deux questions lancinantes : le pourquoi et le comment.
La question du sens
Ce qui pour une large part restera peut-être à jamais une énigme est le sens donné par les artistes préhistoriques à leurs œuvres. La première partie de l’exposition est consacrée à l’art mobilier, c’est-à-dire aux objets qui peuvent être déplacés. Les plus anciens ont 40 000 ans et sont issus de zones géographiques diverses. Les spécialistes distinguent la décoration sur les objets utilitaires (propulseurs, armes diverses, lissoirs…) et la conception de ceux dont l’usage nous est inconnu et peut-être symbolique comme les statues. Les scientifiques du musée de l’Homme ne veulent manifestement pas faire entrer la religion dans leur établissement. Sujet délicat et difficile à traiter, il est vrai, en l’absence de documents écrits ou de preuves tangibles.
La création de fresques dans des lieux difficilement accessibles comme des grottes étroites et profondes suggère une occupation probablement rituelle. La thématique des sujets est principalement animale avec un bestiaire d’une grande diversité, mais aussi des signes (ellipses, traits et points) et de plus rares représentations humaines.
Le partage de la beauté
L’exposition est organisée en plusieurs secteurs : le premier est consacré à l’art mobilier, le deuxième à l’art pariétal ou rupestre avec une belle scénographie. Comme les fresques et dessins ne peuvent être déplacés, des films sur grand écran permettent de plonger le visiteur dans ces décors merveilleux. Ils sont souvent inaccessibles dans la réalité pour les protéger des dégradations. Zooms sur des détails ou plans larges pour se faire une idée d’ensemble, ces films montrent une grande diversité d’inspiration mais aussi une certaine parenté, car on retrouve presque partout sur la planète des exemples illustrant le talent et la créativité de nos lointains ancêtres.
Un troisième espace spécifique est réservé à la vénus de Lespugue, une statuette en ivoire de mammouth d’une quinzaine de centimètres âgée de 27 000 ans dont les formes hypertrophiées et irréelles nous fascinent toujours aujourd’ hui. Symbole de fécondité ou figuration de la déesse-mère (ce qui est à peu près semblable), elle est présentée comme une œuvre d’art exceptionnelle. Des œuvres modernes qui s’en inspirent sont placées à ses côtés, pour montrer à quel point cette petite statue continue d’intriguer et reste un sujet d’admiration.
Le dernier espace est consacré à Picasso et à la manière dont il s’est inspiré de l’art préhistorique. Illustré par ses œuvres, comme Empreinte de main, Vénus au gaz ou Femme lançant une pierre, les parallèles avec des œuvres anciennes comparables sont mis en évidence.
Preuve est faite que ni l’écart entre les millénaires ni les frontières n’empêchent l’émotion de se communiquer à nous tous.
Arts et préhistoire, jusqu’au 22 mai au musée de l’Homme, place du Trocadéro, Paris 16e . Tous les jours sauf le mardi, de 11 h à 19 h.