“Dans la lutte suprême qui commence toutes mes pensées vont vers vous, comme je sais que vous êtes avec moi. Priez pour moi… Je vous aime infiniment et ai toujours confiance. Vive la France…
… Je ne crois rien vous cacher en vous disant que la lutte finale est proche… Il vous faudra du courage et surtout une entière confiance. Peut-être resterez vous longtemps sans nouvelles, il ne faudra jamais désespérer. Pour moi, malgré les révoltes passagères inévitables, je suis calme et je veux le rester. De toute mon âme, de toutes mes forces, je pense à vous tous et à René* et je sens que les liens qui nous attachent les uns aux autres ne peuvent se briser.
Oui, en dehors du corps il y a l’âme ; et nos âmes sont chacune une parcelle de l’Esprit universel. Au-dessus de nous il y a cet Idéal vers lequel nous tendons parfois et vers lequel nous voulons tendre et qui est le même pour tous. Le but de la vie, c’est de tâcher de réaliser cet Idéal avant le terme qui nous est assigné.
Si, à un moment quelconque, nous arrivions à nous élever au-dessus de nous-mêmes et à atteindre cet Idéal, nous aurions vécu, et la vie serait pour nous banale, puisque fatalement nous retomberions de ces hauteurs où l’homme ne peut se maintenir (comme l’ont dit Platon, Maine de Biran, et tant d’autres).
Pour nous soldats, l’Idéal est là sans tache devant nos yeux : d’une manière absolue et désintéressée, donner joyeusement sa vie pour les autres. Quel plus bel Idéal peut-on rêver !
Si donc nous mourrons la joie dans les yeux, c’est que nous aurons vécu. Qu’importe l’âge ! Le temps n’est rien dans l’Éternité ! […]