Adapté du roman éponyme d’Elisa Shua Dusapin, Hiver à Sokcho nous raconte le portrait de Soo-Ha, une jeune femme franco-coréenne vivant à Sokcho, une ville côtière de Corée du Sud.

A Sokcho, petite ville balnéaire de Corée du Sud, Soo-Ha (Bella Kim), 23 ans, mène une vie routinière entre ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami Jun-oh. L’arrivée d’un Français, Yan Kerrand (Roschdy Zem), dans la petite pension dans laquelle Soo-Ha travaille, réveille en elle des questions sur sa propre identité et sur son père français dont elle ne sait presque rien. Tandis que l’hiver engourdit la ville, Soo-Ha et Yan Kerrand vont s’observer, se jauger, tenter de communiquer avec leurs propres moyens et tisser un lien fragile.

Une esthétique poétique et contemplative

Ce qui frappe avant tout dans Hiver à Sokcho, c’est sa capacité à capturer une intimité profonde à travers une mise en scène épurée. Kamura maîtrise l’art du non-dit, laissant les silences et les gestes subtils raconter les émotions refoulées de ses personnages. La relation entre Soo-Ha et Yan se construit dans une tension douce-amère, faite de distance et d’incompréhension, mais aussi de curiosité réciproque. Visuellement, et à l’image de l’affiche retenue, le film ressemble à une sublime peinture hivernale. Une ode aux bleus, gris et blancs, faisant de cette beauté glacée de Sokcho, avec ses paysages enneigés et son ambiance feutrée, le reflet parfait de l’état d’esprit des personnages. Chaque plan semble méticuleusement composé pour capturer la solitude et la beauté du quotidien, créant une atmosphère à la fois poétique et introspective.

Un duo d’acteurs remarquable

Le jeu des acteurs contribue largement à la réussite du film. Bella Kim, dans son premier rôle, incarne Soo-Ha avec une grande sensibilité. Son interprétation minimaliste donne vie à un personnage en proie à des doutes profonds, tout en restant d’une fragilité touchante. Roschdy Zem, dans le rôle de cet auteur de bande dessinée, se montre une nouvelle fois fascinant. Il incarne un homme fermé, presque taciturne, mais dont les failles transparaissent au fil du métrage, créant un contraste saisissant avec la vulnérabilité de Soo-Ha.

Une exploration intime de l’identité

Cependant, et naturellement, cette approche contemplative pourrait dérouter certains spectateurs en quête d’une intrigue plus dynamique. Le rythme lent, volontairement installé, demande une patience et une ouverture à l’introspection. Pourtant, c’est précisément ce tempo qui donne toute sa profondeur au film. Hiver à Sokcho ne cherche pas à offrir des réponses claires ou des résolutions classiques, mais plutôt à explorer la complexité des liens humains, des sentiments, et des identités en suspens. On ressent d’ailleurs combien Koya Kamura est sensible aux frontières que les gens construisent et brisent. Avec un certain lyrisme, la cinéaste utilise aussi l’animation, une simple aquarelle de traits blancs sur fond noir, pour transférer à l’écran la trame émotionnelle de Soo-Ha. Elle sait éviter les lieux communs et plonge dans le tragique avec retenue, et dans le romantique avec réalisme.

Hiver à Sokcho est une œuvre singulière, marquée par la délicatesse de son approche narrative et visuelle. C’est un film qui se propose comme une caresse, à l’image de ces mains qui reviennent sans cesse à l’écran. Sans jamais céder au sensationnalisme, Koya Kamura signe ici un premier film très prometteur, porté par des acteurs inspirés et une esthétique magnifiquement maîtrisée. Elle nous invite à une réflexion intime sur les relations humaines, l’identité, et l’étrangeté des rencontres. Un film à savourer, pour ceux qui aiment se perdre dans la contemplation et les nuances de l’âme humaine.