Considéré comme un génie par beaucoup (et d’abord par lui-même), le style de production et le lyrisme de Kanye ont influencé l’industrie du hip-hop dans son ensemble. Des albums comme College Dropout et Graduation ont fait exploser la renommée de l’artiste. Dans son titre Jesus Walks, extrait de son premier album en 2004, Kanye scandait : Ils ont dit qu’on peut rapper sur n’importe quoi sauf sur Jésus / Ça veut dire armes, sexe, mensonges, cassette vidéo / Mais si je parle de Dieu, mon disque ne sera pas joué. Près de 15 ans plus tard, Jesus Is King vient radicalement prouver le contraire !
Depuis sa sortie, Jesus Is King, neuvième album studio de Kanye West, a suscité des débats divers très nombreux. Mais, ce que l’on retient avant tout, c’est qu’il se retrouve en tête du Billboard 200 (le classement des 200 meilleures ventes d’albums sur le territoire des États-Unis, toutes catégories musicales confondues). Quelques heures seulement après sa sortie, Jesus Is King décrochait le record d’écoutes en 72h sur Spotify, récoltant pas moins de 38 millions de streams en 12h sur la plateforme.
C’est le tout premier album de pur gospel du rappeur après son expérience de conversion et le lancement de son service dominical. Depuis janvier, le rappeur donne des offices, les Sunday Service, dans la banlieue de Los Angeles où il vit avec son épouse Kim Kardashian et en se déplaçant aux quatre coins des États-Unis. Épaulé d’une grande chorale de 80 personnes, d’invités réguliers, et de son pasteur protestant-évangélique Adam Tyson, il organise ces célébrations gospel (dans la tradition des Églises baptistes en remontant notamment au révérend Franklin (père d’Aretha) qui faisait de même) en mélangeant louange gospel, prédications d’évangélisation avec appel à la conversion et même parfois baptêmes.
Mais ce changement radical de direction a bien évidemment amené ses fans et surtout beaucoup de journalistes à s’interroger sur son amour soudain du Christ après des décennies de rap sur le sexe, l’argent et autres sujets pas très ‘catholiques’. Une interrogation légitime, mais qui n’est pour autant pas une première tant dans le milieu du show-biz, la vie plus globalement, mais aussi le texte biblique. Quand Saul, le persécuteur en chef et meurtrier des chrétiens, a été confronté à Jésus, son cœur et son comportement ont complètement changé en un instant. Une sorte de transfiguration miraculeuse si ce n’est dans l’apparence, sans nul doute dans les actes, devenant en deux temps-trois mouvements, une sorte d’évangéliste en chef sous le nom de Paul, le rédacteur de plusieurs lettres restées pour nous encore dans le canon néo testamentaire, et finalement l’un des chrétiens les plus influents de l’histoire. On pourra observer qu’entre temps, Dieu s’était servi d’Ananias pour lui livrer une parole peu de temps après sa première expérience spirituelle. Mais comme vous pouvez l’imaginer, Ananias était prudent et a remis en question les instructions de Dieu sur la base des rapports qu’il avait entendus à propos de cet homme. Il a fallu que Dieu s’adresse directement à lui pour qu’il accepte finalement cette mission.
Bien que Kanye West n’ait pas été un persécuteur de chrétiens comme Saul, c’est quelqu’un que beaucoup pourraient considérer comme le moins susceptible de changer. Espérons donc que Jesus Is King soit une déclaration audacieuse et que le cœur des auditeurs soient attirés par Jésus, et non pas seulement par Kanye West. Si Dieu est en mesure de racheter nos talents et nos compétences pour Sa gloire, il peut tout autant racheter ceux de mister West également. Rien n’est impossible à Dieu… Ne soyons donc pas des sceptiques purs et durs mais sachons accueillir ceux qui ont faim et soif de justice. En fin de compte, ceux qui invoquent le nom de Jésus – comme Kanye West – porteront du fruit… ou non.
Mais revenons à l’album plus précisément. En vingt-cinq petites minutes, Jesus Is King illumine assurément par sa qualité artistique et par la force émotionnelle qu’il dégage. L’album n’est clairement pas un projet mystique totalement barrée comme certains pouvaient l’imaginer. Kanye combine au contraire très intelligemment un héritage musical revendiqué et assumé tout en restant lui-même et à contre-courant. Il travaille ici avec de multiples collaborations comme il aime et sait le faire, ce qui tombe bien puisque le genre Gospel est propice à cela. C’est une musique qui unit, rassemble. C’est une musique qui se vit et se partage. Kanye sample encore et toujours et se réapproprie des perles musicales. On entendra par exemple sur God Is le titre du même nom du révérend James Cleveland and The Southern California Community Choir, sorti en 79, en l’accélérant et en le pitchant pour lui donner un timbre différent. Mais cela aussi est dans l’essence même du Gospel qui se réapproprie les paroles de Psaumes ou d’histoires bibliques, sans parler des reprises régulières partielles ou totales qui finalement font parfois même oublier les versions originales.
Jesus Is King est un album sacrément audacieux de Kanye West qui ne renie pas l’avant mais ouvre une nouvelle porte sur le chemin tortueux du rappeur de 42 ans, comme une voie vers la rédemption qu’il ne veut pas vivre seul mais partager au plus grand nombre en les invitant à l’y rejoindre.