2018 marque les 400 ans du début de la guerre de Trente Ans, qui dévasta de nombreux pays.

Le 23 mai 1618, deux émissaires catholiques de l’empereur sont flanqués par la fenêtre par des nobles protestants : c’est que l’on appelle la défenestration de Prague. Cet épisode mineur (d’autant plus que les émissaires ne sont même pas morts, car tombés sur un tas d’ordures), est à l’origine d’une des guerres les plus meurtrières que l’Europe ait jamais connues. Elle ravagea principalement les principautés allemandes (y compris la Lorraine et l’Alsace, membres du Saint-Empire), mais aussi une partie de l’Italie, le nord de la France, la Franche-Comté, l’actuelle Belgique et les Pays-Bas, impliquant le Danemark et jusqu’à la Suède. Certains duchés ou principautés en sortirent complètement ruinés.

Au début du XVIIe siècle, c’est encore un Habsbourg qui est empereur du Saint-Empire romain germanique et suzerain de terres italiennes, tandis qu’un autre Habsbourg est non seulement roi d’Espagne, mais aussi des Pays-Bas et de nombreux autres territoires en Europe. Ces souverains très catholiques sont profondément troublés par la conversion au protestantisme d’une partie de leur population, devenue luthérienne puis parfois même calviniste. Ils ne rêvent que de revenir à l’ordre antérieur. C’est la raison pour laquelle à Prague, se sentant menacés par la politique religieuse de leur nouveau roi Ferdinand II, les Défenseurs de la foi jettent par la fenêtre ses deux émissaires. Lorsque Ferdinand II devient empereur l’année suivante, les Tchèques lui préfèrent l’Électeur Palatin Frédéric V. Celui-ci, bien que fervent calviniste, n’est qu’un piètre stratège et sera battu durement dès 1620, ce qui lui vaut le surnom peu flatteur de « roi d’un hiver ». Entre-temps, toute l’Allemagne s’est enflammée, surveillée avec attention par ses voisins inquiets.

Des conséquences inattendues

Pendant 30 ans, chaque fois que les Habsbourg semblent l’emporter, un nouveau royaume s’immisce sur le champ de bataille pour voler au secours des protestants : tout d’abord le Danemark de 1625 à 1629, puis la Suède de Gustave-Adolphe (1630 à 1635), enfin la France jusqu’en 1648. Si le Danemark et la Suède sont luthériens, il est intéressant de noter que la France de Richelieu, qui se bat sur son territoire contre les réformés (siège de la Rochelle en 1628 et paix d’Alès en 1629 qui met fin aux places de sûreté), soutient les princes protestants en dehors des frontières. Il ne faut pas oublier que les Habsbourg sont pour la France, depuis au moins François Ier, une véritable menace à l’extérieur comme à l’intérieur : les régicides d’Henri III et d’Henri IV ont tous deux été reliés à une activité espagnole fébrile…

Pour finir c’est le prince de Condé qui bat les Espagnols à Lens et Rocroi, ce qui permet enfin la signature de la paix avec l’Espagne, tandis que Turenne (maréchal de France calviniste) remporte de nombreuses victoires dans l’Empire. Avec les traités de Westphalie (signés séparément en 1648, les protestants d’un côté et les catholiques de l’autre), l’Europe peut enfin souffler et l’Allemagne panser ses plaies. Entre les opérations de guerres, les ravages de soldats souvent mercenaires qui se paient sur le dos des populations et les épidémies que tout cela entraîne, les conséquences sont dramatiques. En Brandebourg, par exemple, certains endroits ont perdu jusqu’à 70 % de leurs habitants. C’est une des raisons pour laquelle l’Électeur se montrera spécialement accueillant avec les huguenots français lors de la Révocation. À Berlin en 1700, près d’un quart des citoyens sont d’origine française : une des lointaines conséquences de la guerre de Trente Ans.