J’ai pas l’air est à découvrir jusqu’au 26 octobre, du mercredi au samedi à 19 heures, au théâtre Antoine à Paris. Accompagné du pianiste Alain Lanty et de son fidèle Jack Russell Gtro, Jean-Paul Rouve revisite à sa façon les textes du répertoire de la variété française.

« J’ai pas l’air » est né de l’envie profonde de Jean-Paul Rouve de proposer au théâtre une manière inédite de raconter l’histoire d’un homme, son intimité, son chemin de vie.

Tout commence avec l’image d’un vinyle qui tourne sur un rideau d’avant-scène, et la voix d’Aznavour qui racontent sa démarche d’écriture, la quintessence de ses textes. Celle encore de Gainsbourg qui s’affronte à Guy Béart dans un cultissime Apostrophe de 1986 où résonne encore cette opposition de deux visions artistiques diamétralement opposées autour de la chanson comme art majeur ou mineur…

Et puis cette phrase encore : « Les chansons françaises racontent des histoires. Une chanson est un drame en trois minutes que l’on reçoit… ».

C’est précisément ce que, pendant un peu plus d’une heure, Jean-Paul Rouve va nous proposer avec une petite vingtaine de textes de Barbara à Dassin, de Souchon à France Gall, en passant par Eddy Mitchell, Bénabar, Renaud, Halliday, Delpech ou OrelSan pour un Basique final mémorable. Le comédien n’a pas l’air, dit-il mais, l’air de rien, il assure avec ce qui reste, les mots… qu’il incarne véritablement dans chaque chanson-drame qui se joue, se vit, et prend sens autrement.

Au milieu du spectacle, Jean-Paul se livre : « On oublie. Hier est loin, si loin d’aujourd’hui. Mais il m’arrive souvent de rêver encore à l’adolescent que je ne suis plus. On sourit en revoyant sur les photos jaunies, l’air un peu trop sûr de soi que l’on prend à 16 ans et que l’on fait de son mieux pour paraître plus vieux… ».

Tout en disant ces mots, Jean-Paul regarde de vieilles photos de lui projetées sur le rideau redescendu sur le devant de la scène… et le piano d’Alain Lanty nous lance la mélodie que le public ne manque évidemment pas de rejoindre… « J’irai bien refaire un tour du côté de chez Swann ». Alors le conteur se tait un instant pour signaler qu’en plus Patrick Loiseau, le parolier, est assis là, au troisième rang. Il n’est pas seul, à ses côtés, un néerlandais qui sourit. Dave, spectateur d’un soir, est invité pour une pause ou lui a l’air et la voix… il chante quelques instants avant qu’un nouveau drame nous soit proposé. Et puis, c’est Gtro qui entre en scène. Émotion d’un moment de tendresse entre le maître et son chien qui fait sens.

Car le sens est sans doute le maître-mot silencieux du spectacle. Rouve se confie alors avec les mots d’un autre, mais qu’il fait sien. De l’adolescence, avec Le Chanteur de Daniel Balavoine, à Quand j’étais chanteur de Michel Delpech, dont le héros a 73 ans, c’est une histoire qui se raconte avec ses sourires, ses joies et ses peines.

J’ai pas l’air est un spectacle qui rend un splendide hommage à la chanson française, et à ces morceaux qui nous marquent tant, devenant la bande originale de notre mémoire. Ce petit air qui accompagne nos plus forts moments de vie. La nostalgie fonctionne. Les souvenirs jaillissent…

Le jeu devient vite de reconnaitre, d’ailleurs, la chanson qui se cache derrière (et j’ai plutôt été bon, sur le coup), mais ce jeu s’efface encore plus rapidement pour laisser gagner le regard, l’écoute et surtout l’émotion. Car tout est beau ici ! La lumière, le décor, la mise en image de la scène, l’ambiance de la salle, le jeu de Rouve et celui des dix doigts de Lanty, qui parfois aussi, faut-il le préciser aura l’air…