Jane Austen a gâché ma vie, est le premier long métrage de la française Laura Piani. À travers l’histoire d’Agathe, une libraire célibataire et rêveuse interprétée par Camille Rutherford, le film interroge la manière dont les romans d’amour idéalisés peuvent modeler, voire entraver, nos relations sentimentales.

Agathe a autant de charme que de contradictions. Elle est célibataire mais rêve d’une histoire d’amour digne des romans de Jane Austen. Elle est libraire mais rêve d’être écrivain. Elle a une imagination débordante mais une sexualité inexistante. La vie n’est jamais à la hauteur de ce que lui a promis la littérature. Invitée en résidence d’auteurs en Angleterre, Agathe devra affronter ses peurs et ses doutes pour enfin réaliser son rêve d’écriture… et tomber amoureuse.

Il n’est pas rare que la littérature prenne une place prépondérante dans nos vies, mais quand une romancière du XIXe siècle comme Jane Austen devient l’élément central d’une crise existentielle moderne, cela donne lieu à des questionnements à la fois subtils et surprenants. C’est sur ce joli terrain que nous dirige Laura Piani où se mêle humour et mélancolie pour revisiter la notion de l’héritage littéraire et son influence sur les relations amoureuses d’aujourd’hui.

Un film à la fois introspectif et rafraîchissant

Camille Rutherford brille dans le rôle principal, apportant une vulnérabilité et un charme naturel à Agathe, tout en incarnant avec subtilité cette femme en proie à des rêves romantiques trop idéalisés. Elle partage une chimie évidente avec Pablo Pauly, qui incarne Félix, un prétendant moins conventionnel mais profondément attachant. Le duo apporte une énergie sincère à l’écran. Charlie Anson, dans le rôle d’Oliver, le gentleman anglais par excellence, complète ce triangle amoureux avec une touche de légèreté et d’ironie.

L’un des points forts du film réside dans la manière dont Laura Piani parvient à éviter les clichés habituels du genre. Au lieu de nous livrer une simple romance classique, la réalisatrice joue avec les attentes des spectateurs, déconstruisant les mythes de l’amour parfait tout en rendant hommage aux œuvres de Jane Austen, et en étant truffé de clins d’œil aux comédies anglaises. Le contraste entre les fantasmes littéraires d’Agathe et les relations réelles qu’elle rencontre est mis en scène avec une tendresse et une bienveillance qui permettent au film de rester divertissant tout en posant des questions profondes comme par exemple, quelle serait la raison de la littérature, ou comment vivre quand on se sent « à côté » des autres…

Laura Piani explique son intention de la sorte : « Mon idée était de filmer une femme décalée qui a du mal à vivre au milieu de ses contemporains et se retrouve face à son désir. Tout en jouant avec les codes de la comédie romantique, je voulais ancrer un personnage lunaire, maladroit et mélancolique dans un contexte de deuil puis l’amener vers la légèreté́. Comme nous vivons une époque merveilleusement libre mais aussi très dure, pleine d’injonctions et dans un monde ultracapitaliste où l’on consomme tout, y compris les histoires d’amour, cela m’intéressait de faire le portrait d’une femme qui se sent inadaptée. »

Visuellement, le film est un régal

La campagne anglaise, magnifiquement capturée, devient un personnage à part entière, offrant un cadre poétique aux tourments intérieurs d’Agathe. La bande-son accompagne parfaitement cette atmosphère romantique, oscillant entre nostalgie et légèreté. Si Jane Austen a gâché ma vie reste dans les grandes lignes une comédie romantique, il se démarque par son regard lucide sur les attentes irréalistes que nous pouvons projeter dans nos vies amoureuses. En cela, le film parvient à toucher aussi bien les fans de Jane Austen que ceux qui, comme Agathe, cherchent à trouver un équilibre entre la fiction et la réalité.