Le comédien Jean-Louis Trintignant est décédé vendredi 17 juin à l’âge de 91 ans, paisiblement, de vieillesse, dans le Gard auprès de ses proches.

Il demeurera l’un des plus grands acteurs français de ces soixante dernières années, avec près de 160 rôles au cinéma ou sur les planches et les plus grands réalisateurs et metteurs en scène à son actif, de multiples reconnaissances, et des titres qui, à eux seuls, montrent l’immensité de son œuvre : Un homme et une femme forcément mais aussi Ma nuit chez Maud, Vivement dimanche !, Regarde les hommes tomber, Et Dieu créa la femme, Z, L’homme qui ment, Le conformiste ou encore son avant-dernier film Amour.

C’est la tristesse d’un départ, d’un adieu… mais, par la magie du cinéma, la marque de Trintignant restera malgré tout comme une trace indélébile dans tant de nos souvenirs. Plus de soixante ans de cinéma européen sont en effet traversés par l’image et la voix de ce comédien remarquable, d’une constance et d’une justesse infaillibles et d’une formidable humanité.

Un homme de convictions, d’engagements mais aussi de valeurs. Il disait ainsi que ce qui est important pour un homme c’est sa nature intérieure. Et il y situait, en particulier, la famille…

Un provençal, né à Piolenc près de Pont-Saint-Esprit. « Je suis de Pont-Saint-Esprit, qui est un peu la porte des Cévennes, racontait Jean-Louis. Ici, nous sommes des Méridionaux assez réservés, marqués par le protestantisme. Un jour, j’achetais des fromages de chèvre à un monsieur qui descendait des Cévennes. Il était très précieux, efféminé. J’ai demandé à un de ses amis : “Il est homosexuel ?” Et l’autre m’a répondu : “Non, il est protestant !” »[1] Pour leur part, les Trintignant sont catholiques. Et Jean-Louis grandit dans cette religion dont il apprécie surtout l’apparat. « Quand j’étais, petit, raconte-t-il, ma mère m’emmenait à la messe et j’étais fasciné par ce monsieur qui prêchait. C’était vraiment un spectacle qui m’enthousiasmait. J’étais émerveillé par ce prédicateur qui faisait ses discours. Je crois que c’est pour ça que je suis devenu comédien… J’ai aussi beaucoup aimé l’histoire du christianisme. C’est imbécile de dire ça mais la plus belle réussite de comédien c’est celle du Christ. Ce type a pu apporter la grâce à des milliers de personnes. Or, le métier de comédien, c’est d’apporter aux gens des émotions, de les rendre peut-être plus sensibles à certaines choses. »

Mais Jean-Louis ne sera jamais un pratiquant assidu. Tout compte fait, la religion catholique le séduit peu. Il s’est laissé imprégner par le protestantisme qui s’étend tout autour de lui durant son enfance, lui trouvant d’indéniables vertus. Il s’en sent plus proche, confiera-t-il. Par la suite, certains de ses proches iront jusqu’à le surnommer « le Huguenot »…

Tant d’histoires et de vies racontées au-travers d’une carrière si prestigieuse… et la sienne marquée aussi par l’épreuve et la mort. Deux drames qui ont bouleversé sa vie jusqu’à son dernier souffle : la mort de Pauline et Marie, ses deux filles.

En 1970 déjà, Jean-Louis Trintignant, Nadine et leur fille aînée Marie font face à un terrible drame, la mort de Pauline, le deuxième enfant du couple, à seulement neuf mois.

Le 1er août 2003, Marie Trintignant meurt d’un œdème cérébral, trois jours après avoir été rouée de coups par son compagnon, le chanteur Bertrand Cantat. La fille de Jean-Louis Trintignant décède à 41 ans, l’âge auquel son frère aîné est également décédé d’un cancer en 1969. Cette mort qui deviendra alors plus présente dans la vie de l’acteur dans ses interviews et dans ses choix cinématographiques. « Les vieux, cela arrive souvent. Cela dit, qu’on perde sa fille, c’est inadmissible. Parce que bon, que ses parents disparaissent, ça va. Mais que sa fille disparaisse, c’est vraiment inacceptable parce qu’elle devrait mourir après nous », confie-t-il en 2004, un an après la mort de Marie Trintignant, dans l’émission À voix nue sur France Culture.

Plus tard, en 2018, dans une interview à Nice Matin, Jean-Louis Trintignant lâchera : « Il y a quinze ans que je suis mort ». La mort, Jean-Louis Trintignant l’abordera également magistralement dans ce qui restera comme l’une de ses plus grandes interprétations. Amour, le drame du réalisateur autrichien Michael Haneke, récompensé par la Palme d’or à Cannes et pour lequel il remporte le César du meilleur acteur en 2013. Un film tragique, bouleversant, universel, lucide et d’une justesse et d’une simplicité remarquables, tout en retenue. Une histoire qui touche à ce que l’humanité a de plus intime et de plus tragique en abordant la relation amoureuse de Georges et Anne, un couple d’octogénaire confronté à la mort lorsque l’état de santé d’Anne se dégrade.

En 2017, Jean-Louis Trintignant tournera une dernière fois, et ce sera à nouveau avec Michael Haneke dans un titre presque prémonitoire, Happy End, où il jouait un patriarche, travaillé par la mort, aux côtés d’Isabelle Huppert et de Mathieu Kassovitz.

[1] Jean-Louis Trintignant de Philippe Durant – First éditions (18 mai 2017)