Tourné dans une maison maternelle en périphérie de Liège, le film adopte une forme chorale inédite pour les cinéastes belges, et offre une fresque sociale pudique et vivante sur l’errance, la précarité, et la possibilité fragile d’une reconstruction. C’est un cinéma du silence, du regard et du geste qui ne force jamais l’émotion mais l’installe patiemment.

Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma sont hébergées dans une maison maternelle qui les aide dans leur vie de jeune mère. Cinq adolescentes qui ont l’espoir de parvenir à une vie meilleure pour elles-mêmes et pour leur enfant.

Elles sont cinq, à peine sorties de l’enfance, à avoir déjà franchi le seuil de la maternité. Cinq visages et autant d’histoires marquées par la rupture, l’abandon, la pauvreté ou la violence. Dans ce lieu d’accueil collectif, chacune tente de tenir debout, de prendre soin de son bébé tout en cherchant sa place dans une société qui, souvent, n’a pas su prendre soin d’elle. Plutôt que de privilégier une trajectoire unique, les Dardenne tissent ici un récit multiple, entrecroisant les solitudes et les élans de solidarité, dans une structure fine et fluide qui évite la lourdeur du dispositif.

Une mise en scène toujours au service des corps et des visages

Fidèles à leur style, les frères Dardenne optent pour une mise en scène épurée, privilégiant les plans rapprochés et une caméra à l’épaule qui suit au plus près les protagonistes. Cette approche immersive permet de capturer l’intimité des personnages et de transmettre au spectateur la complexité de leurs émotions. Pas de musique – quoiqu’une peluche musicale nous livre une berceuse et une pianiste quelques merveilleuses notes – peu de dialogues explicatifs, mais une présence physique très forte : celle de ces jeunes filles dans leur quotidien, leurs doutes, leurs colères, leurs attentes, leurs appels à l’aide. La beauté du film naît précisément de cette retenue, de cette attention portée à ce qui ne se dit pas : la fatigue, la peur, l’instinct maternel qui surgit malgré tout.

L’espoir par le collectif

Là où beaucoup de leurs films s’inscrivaient dans une tension tragique individuelle, Jeunes mères s’ouvre à une dynamique de groupe. Le collectif devient ici un espace de respiration, de soutien mutuel, parfois conflictuel, mais vital. Ce choix donne au film une teinte nouvelle : non pas un optimisme naïf, mais une foi lucide dans la capacité des relations humaines à réparer, un peu, les blessures de l’existence. Le rôle des éducatrices et infirmières, présentes mais jamais écrasantes, participe de cette tonalité juste : figures d’accompagnement, et non de sauvetage. Évidemment, la multiplicité des récits ne permet pas de s’attacher à un personnage et de développer son histoire mais, à la place, ce sont des touches de peintures qui tracent des contours et nous permettent de comprendre ces histoires et de tisser des liens.

Le film met en lumière la capacité des individus à se soutenir mutuellement face à l’adversité, illustrant ainsi la force de la communauté et de l’entraide.

En explorant les thèmes de la maternité, de la responsabilité et de l’amour inconditionnel, les Dardenne offrent une réflexion profonde sur l’espérance qui peut émerger des situations les plus difficiles.

Un film qui continue de creuser la même veine, tout en se renouvelant

Jeunes mères ne révolutionne pas le style des Dardenne, mais il en élargit la palette. Le geste est toujours le même : filmer les marges, sans moralisme ni pathos, avec une rigueur qui touche au spirituel. Mais ici, la structure chorale, la pluralité des points de vue, et peut-être aussi une forme de douceur nouvelle donnent au film un relief particulier. Il y a dans cette œuvre une forme de « bénédiction » discrète : celle d’une caméra qui n’abandonne pas les siens, et d’un cinéma qui croit encore à la possibilité de naître de nouveau…