Un premier long-métrage pour Shaka King qui dirige Daniel Kaluuya, Lakeith Stanfield et Martin Sheen, pour revisiter une page d’histoire américaine, en relatant notamment l’histoire de Fred Hampton, leader des Black Panthers.
Informateur pour le FBI, William O’Neal (Lakeith Stanfield) infiltre les Black Panthers de l’Illinois. Sa mission : surveiller le leader charismatique du Parti, le président Fred Hampton (Daniel Kaluuya). Voleur professionnel, O’Neal se délecte à manipuler à la fois ses camarades et son supérieur, l’agent spécial Roy Mitchell (Jesse Plemons). Tandis que Hampton affûte son talent pour la politique, il tombe amoureux de sa camarade révolutionnaire Deborah Johnson (Dominique Fishback). De son côté, O’Neal doit affronter un vrai dilemme : se rallier à une cause juste et intègre ou neutraliser Hampton et ses alliés par n’importe quels moyens, comme l’exige le patron du FBI, J. Edgar Hoover (Martin Sheen).
Six fois nommé comme meilleur film, meilleur acteur dans un second rôle pour Daniel Kaluuya et LaKeith Stanfield, meilleur scénario original, meilleure chanson originale et meilleure photographie, Judas and the Black Messiah est un film audacieux et sans complaisance qu’il faut absolument regarder. L’intensité de Judas and the Black Messiah tient principalement au fait que le réalisateur Shaka King a choisi de nous privilégier en nous donnant un aperçu de ce qui se passe des deux côtés de la barrière. Il y a déjà trois ans, avec BlacKkKlansman, Spike Lee avait livré l’une des histoires de police « sous couverture » les plus exaltantes et les plus élégantes, basée sur une histoire vraie du mouvement des droits civiques. Aujourd’hui, Shaka King se penche à son tour sur une histoire similaire, mais en choisissant, d’une certaine manière, l’envers de la médaille comme angle de vue, avec un résultat tout aussi puissant. Centré sur William O’Neal alors qu’il est enrôlé par le FBI pour infiltrer le Black Panther Party et faire tomber son président, Fred Hampton, le film adopte une approche beaucoup plus centrée sur les personnages pour raconter son histoire et se démarque alors aussi en choisissant de mettre l’accent sur le bien que Hampton cherchait à apporter à la communauté noire et sur l’ampleur de la trahison d’O’Neal envers le révolutionnaire. Mais plutôt que de traiter O’Neal comme le grand méchant de l’histoire, une voie que certains cinéastes auraient sans doute pu facilement emprunter, King et le coscénariste Will Berson s’assurent de montrer la réalité d’un homme acculé qui a essayé de s’en tenir à sa morale en soutenant les messages positifs des Black Panthers, même s’il est constamment rabaissé par ses supérieurs, offrant ainsi un brillant équilibre avec leur représentation sanctifiée de Hampton.
Le film est évidemment porté par les performances tout à fait exceptionnelles de Daniel Kaluuya et Lakeith Stanfield. Judas and the Black Messiah leurs sert de retrouvailles, puisque ce duo était déjà à l’affiche de Get Out, ce film horrifique phénomène réalisé par Jordan Peele en 2017. Si les deux comédiens se retrouvent dans la possibilité de remporter l’Oscar du meilleur acteur secondaire, Lakeith Stanfield domine littéralement toutes les scènes dans lesquelles il joue. Il se révèle comme un acteur incroyable dans cette interprétation d’O’Neal, avec tous les niveaux de duplicité, de paranoïa et de charme que son personnage devait apporter à son travail d’informateur. Car la tâche était éminemment délicate et vraisemblablement émotionnellement épuisante pour réussir à dépeindre un homme autant pétri de traumatismes et de luttes internes. La performance de Stanfield est pour moi époustouflante, car il se met complètement à nu en se présentant dans la plus forte vulnérabilité qui soit. Face à lui, Daniel Kaluuya entre dans la peau de Fred Hampton avec une énergie ardente, humaine et chaleureuse. « Vous pouvez assassiner un combat pour la liberté, mais vous ne pouvez pas assassiner la liberté ». Ce sont les mots prononcés dans l’un des discours émouvants d’Hampton, et cette même intensité se retrouve dans les actions et le regard de Kaluuya. C’est le contraste entre sa vie familiale et ses rencontres charismatiques, d’une part, et l’intensité pure et la colère contre ceux qui oppriment, d’autre part, qui fait de Kaluuya un formidable talent digne lui aussi d’un Oscar.
En fin de compte, Shaka King fait un travail formidable en livrant une histoire bien ficelée et bien racontée, soutenu par deux acteurs remarquables. Le film est audacieux, impitoyable et inoubliable, et doit être vu par tous. Le fait de mettre en lumière un « Judas » avec un brin de compassion, sans jamais minimiser l’énormité de ses actes, est une brillante approche de ce biopic.
Judas and the Black Messiah sera diffusé le samedi 24 avril 2021 à 20h30 sur Canal+ Cinéma, puis rediffusé sur Canal+ le mardi 27 avril 2021 à 21h, et également disponible sur la plateforme MyCanal. Dès le 28 avril 2021, le film se sera plus seulement réservé aux abonnés Canal+ puisqu’à cette date il est mis en vente en digital.