Difficile de ne pas penser aux conflits de toute nature quand on examine les relations entre juifs et musulmans… et pourtant. Depuis des millénaires, des communautés juives se sont installées tout autour du bassin méditerranéen jusqu’à l’Euphrate et au-delà, le Maghreb jusqu’au Maroc, sans oublier l’Espagne jusqu’à la fin du XVe siècle. Plus d’un visiteur sera surpris d’apprendre que l’islam a été influencé par une présence juive notable en péninsule arabique dès les premiers siècles de notre ère. Après les conquêtes arabes, la cohabitation a connu des périodes parfois fécondes, souvent difficiles, jusqu’à l’exil définitif des juifs au cours du siècle dernier.

C’est à une longue histoire religieuse, artistique, intellectuelle et surtout humaine que l’IMA se consacre aujourd’hui. L’exposition complète la présentation au public des trois grandes religions du Livre, après celle sur le pèlerinage à la Mecque et celle sur les chrétiens d’Orient en 2017.

Multitude de supports

De très nombreux objets de toute nature viennent témoigner de ces implantations juives : vestiges archéologiques, manuscrits anciens, peintures, textiles, objets liturgiques, photographies, pièces musicales et installations audiovisuelles… Pour une compréhension aisée, le parcours proposé est chronologique et commence à l’époque du roi David. Dès l’Antiquité, les exils successifs d’abord à Babylone puis en Syrie et en Égypte donnent naissance à d’importants foyers culturels, notamment l’extraordinaire synagogue de Doura Europos du IIIe siècle ap-JC.

Situations contrastées

L’exposition se poursuit en montrant l’évolution au fil du temps (situation parfois privilégiée à Damas, où des savants et lettrés occupent des places éminentes à la cour, les synagogues sont richement décorées, mais aussi fortes persécutions aux XIIe et XIIIe siècles en Syrie, expulsion des juifs d’Espagne en 1492…). L’arrivée des séfarades au Maghreb et en Palestine entraîne un renouveau intellectuel autour de rabbins et de lettrés respectés.

Les conquêtes occidentales du XIXe siècle marquent encore un tournant. Les juifs échappent désormais au statut de dhimmi qui consacrait juifs et chrétiens comme citoyens de seconde zone, avec des impôts particuliers et des emplois interdits. De nombreux objets liturgiques témoignent de la richesse et de la diversité des styles artistiques, propres à chaque pays, de l’Irak au Maroc et de l’Empire ottoman au Yémen et à l’Iran. Au XXe siècle, la création de l’État d’Israël à la suite de la Shoah et la fin de la colonisation entraînent de nouveaux bouleversements, dont un exil massif des juifs vers Israël, la France ou les États-Unis.

Treize siècles de présence en terre musulmane ont cependant laissé des traces. Il est bien possible que, comme lors de l’exposition sur les chrétiens d’Orient, on observe des personnes émues aux larmes devant des photos ou des films, vestiges de leurs histoires familiales disparues.