Avec La communion, le jeune réalisateur polonais Jan Komasa à qui l’on doit Suicide room et Warsaw 44, nous propose un film brillant entre drame et légèreté, profondément humain et empreint d’une intense réflexion spirituelle.

« Nous faisons de notre mieux », dit le jeune homme. « Ou nous ne le faisons pas », répond la jeune femme. La morale est peut-être finalement aussi simple que cela, mais le défi est que nous sommes humains, et que nous pouvons choisir de ne pas faire de notre mieux. Nous faisons des erreurs, que ce soit accidentellement ou intentionnellement. Nous avons de la rancune, car parfois la douleur semble être tout ce qu’il nous reste dans cette vie. Nous mentons, de toutes les manières, petites et grandes… 

C’est ainsi que Daniel, le jeune héros de 20 ans du film La communion, qui a récemment été libéré d’un centre de détention pour mineurs, offre ses conseils consolateurs de prêtre catholique. Mais dans la réalité, il n’est pas prêtre… En effet, il ne pourra probablement jamais en devenir un. Aucun séminaire n’acceptera Daniel (Bartosz Bielenia), en raison de son casier judiciaire. Mais delà où il s’installe, son instinct, sa verve et son cœur en feront un prédicateur respecté qui va remettre en question pas mal de choses dans le fonctionnement des habitants de ce village marqué par la mort. L’intrigue prend un tournant intéressant lorsque Daniel apprend qu’un tragique accident de la route a traumatisé la communauté, et il se découvre une compétence inattendue en matière de soins pastoraux alors qu’il tente d’aider à guérir le psychisme endommagé des personnes en deuil – dont beaucoup sont à peine plus jeunes que lui, y compris la jolie adolescente Eliza (Eliza Rycembel). Non seulement il les aide à surmonter leur chagrin, mais il les force aussi à affronter leur propre hypocrisie avec bienveillance. « Dieu n’est pas confiné à la chapelle », se souvient-il en repensant à son mentor spirituel, le père Tomasz (Lucasz Simlat). « Il est avec nous à chaque instant. Nous sommes tous prêtres ! » C’est ce que Daniel va chercher à expérimenter.

Ce film, écrit par Mateusz Pacewicz et réalisé par Jan Komasa, est inspiré d’événements réels et devient une sorte de parabole divine d’où jaillit la lumière. Il met en avant diverses questions sur la foi, le pardon et le mensonge. La question centrale, cependant, est à la fois simple et fondamentale : La mesure d’une personne est-elle la somme de ce qu’elle a fait, ou est-ce ce qu’elle fait ici et maintenant qui compte plus que tout ? Et pour chercher à y répondre, Komasa ne tente jamais de remettre en question la foi – c’est avant tout un film sur les gens et l’effet qu’ils ont les uns sur les autres. La tromperie au cœur de cette histoire crée une tension constante et pourrait offrir l’occasion d’un humour se transformant rapidement en vulgaire farce. Mais, à l’image de son protagoniste principal, c’est un film au contraire réfléchi et plein de compassion. Jan Komasa adopte une approche délicate pour construire ses personnages et les relations entre eux. Bartosz Bielenia est magnifique dans le rôle de Daniel, montrant une grande étendue de jeu en traversant tout un spectre d’émotions de manière très convaincante et subtile. Avec ses traits ciselés, son corps filiforme et ses yeux bleus d’une clarté perçante, son interprétation est imprévisible et son assurance est fascinante à observer. Son histoire est marquée par la violence. Il est victime d’un système gangréné de l’intérieur. Alors, même si Daniel est un imposteur, il est aussi exactement ce dont le village a besoin. Quelqu’un qui non seulement se rapproche d’eux sur le plan émotionnel, mais qui les incite à ouvrir leur esprit et à trouver le pardon dans leur cœur. 

Il ne s’agit vraiment pas d’un mélodrame banal. Les conflits narratifs permettent notamment au cinéaste d’explorer les nombreux déguisements que les gens portent, et le rôle que la religion peut jouer dans la vie d’une communauté – en particulier dans un endroit, comme l’ancienne Pologne du rideau de fer, où l’Église avait été associée à la fois à la répression et à la résistance. La communion nous permet également de réévaluer le sens de notions spirituelles (ou non) telles que le salut, le jugement, la culpabilité, la réparation, les tentations ou le repentir pour ses péchés. Par exemple, dans un moment à la fois amusant et profond, on voit Daniel entendre la confession d’une femme qui a de vrais remords d’avoir battu son fils, et comme pénitence, il lui ordonne seulement « d’emmener son fils faire du vélo ». C’est simple mais significatif et efficace, comme on peut l’imaginer, cela permettra de resserrer les liens entre les membres de la famille. Un film très agréable et facile à regarder malgré sa densité. En abordant des thématiques assez peu légères, le film est, en effet, paradoxalement divertissant, parfois même drôle, avec une palette de couleurs douces, et des dialogues intelligents permettant une réflexion plus profonde. La photographie de Piotr Sobocinski Jr apporte de la fraîcheur aux décors naturels, trouve de la beauté dans les espaces modestes et minimise le glamour des objets et des icônes dans l’église elle-même. Les mélodies folkloriques se mêlent aux motifs religieux de la partition, puis contrastent à nouveau avec la techno préférée de Daniel.

Le scénario de Mateusz Pacewicz nous invite fréquemment à tirer des conclusions confortables pour ensuite finalement les contourner. Il explore la facilité avec laquelle les gens sont attirés par les leaders charismatiques et s’efforce de nous rappeler que ceux qui accomplissent l’œuvre de Dieu ne sont, pour le meilleur ou pour le pire, que des humains. Un film unique en son genre, puissant et stimulant, qui charme et dérange, extrêmement réfléchi en tout cas, magnifiquement joué et plein de compassion. Il pose des questions vitales sur le vrai sens de la rédemption et de la foi. 

Magnifiquement conçu, La Communion a obtenu une nomination aux Oscars et de nombreux prix dans des festivals internationaux.