Il faut les pulvériser, les étrangler, les saigner, en secret et en public, dès qu’on le peut, comme on doit le faire avec des chiens fous ! C’est pourquoi, mes chers Seigneurs, égorgez-les, abattez-les, étranglez-les, libérez ici, sauvez là ! Si vous tombez dans la lutte, vous n’aurez jamais de mort plus sainte !
En 1525, Luther recommande ce traitement radical pour réprimer la révolte des paysans qui, menés par Tomas Münzer, cherchaient à obtenir plus de justice sociale. Il sera écouté par les princes allemands et plus de 100 000 paysans, qui d’ailleurs se réclamaient des doctrines luthériennes, seront massacrés. Et pourtant, comme l’écrit Engels, « Luther lança à Wittenberg le signal du mouvement qui devait entraîner dans son tourbillon tous les ordres et ébranler tout l’Empire »
Dans cet ouvrage qu’il publia à 29 ans après le Manifeste du Parti Communiste, Friedrich Engels analyse les causes sociales de la guerre des paysans et montre que cette révolte évangélique était une lutte de classes avant d’être un mouvement religieux. Mais il découvre aussi derrière la théologie moderniste de Luther, une philosophie très conservatrice qui sous des dehors de neutralité politique est complètement alignée avec les intérêts des princes protestants qui comptaient sur la Réforme pour confisquer les biens de l’Église romaine.
L’introduction de Jean-Pierre Rissoan, agrégé de géographie, auteur de « Traditionalisme et révolutions », replace le texte de Engels dans ses contextes historiques du XVIème et du XIXème siècle.
L’auteur Friedrich Engels, co-fondateur avec Karl Marx du « marxisme », est le fils d’un riche industriel luthérien du textile installé dans la Ruhr ; il découvre les excès du capitalisme industriel en Angleterre lors d’un « stage » à Manchester en 1842 dans l’entreprise de son père.