Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis, deux réalisateurs italo-américains connus pour leur travail sur deux documentaires et notamment le multi-primé Il Solango (2015), s’essaient cette fois-ci avec La légende du roi crabe, sorti le 23 février, à un récit de fiction proposé comme une fable en deux parties sur l’échec et la renaissance.
Se déroulant au départ dans une petite commune italienne au nord de Rome, le film s’envole ensuite vers les sommets majestueux du sud de la province de la Terre de Feu en Argentine. Ce tandem de cinéastes explore le rôle des traditions orales dans la formation des mythes et des légendes, les chansons et les histoires folkloriques peuplant les paysages sonores diégétiques et extradiégétiques.
Cette conception sonore très expressive est complétée par une magnifique cinématographie, parfaitement filmée pour évoquer la période de la fin du XIXe siècle. La légende du roi crabe est une œuvre d’une imagination et d’une puissance cinématographiques certaines.
De nos jours, dans la campagne italienne, de vieux chasseurs se remémorent la légende de Luciano. Ivrogne errant dans un village isolé de Tuscie, Luciano s’oppose sans relâche à la tyrannie du Prince de la province. La rivalité grandissante entre les deux hommes, alimentée par les passions et la jalousie, pousse Luciano à commettre l’irréparable. Contraint à l’exil dans la lointaine Terre de Feu, à l’extrême sud de l’Argentine, l’infortuné criminel, entouré de chercheurs d’or cupides, se met en quête d’un mystérieux trésor enfoui qui pourrait bien être sa seule voie vers la rédemption. Mais sur ces terres arides, seules l’avidité et la folie prévalent.
Les thèmes de cette légende du roi crabe vont de l’amour à l’avidité et au salut et ont ainsi une résonance universelle.
« Notre film parle de l’oralité, des traditions, de la valeur de la transmission, de transmettre des histoires souvent oubliées. Dans notre film, c’est aussi comme un chemin de rédemption qui part de la mer pour aller vers la montagne et le soleil. C’est un film crépusculaire », raconte ainsi Matteo Zoppis.
Il se dégage une vraie beauté faite d’un juste équilibre entre ce qui est raconté et ce qui est montré. Une beauté formelle, naturaliste et hyper-magnifiée, dans une œuvre qui honore cette tradition orale, le rassemblement des communautés autour d’une table pour la transmission des légendes, des histoires et du folklore et qui parvient à activer les sens du spectateur jusqu’à percevoir l’odeur de l’herbe humide ou de la peinture écaillée, du sang, de la sueur et de l’alcool exhalés par son protagoniste.
Un récit structuré sur la base de deux histoires avec un protagoniste commun et complémentaire, où l’hybridation entre la tradition du réalisme latino-américain et l’héritage du cinéma de Pasolini et des frères Taviani donne lieu à deux tonalités différents et à une construction organique qui transforme les formes et le ton du long métrage pour culminer dans une sorte d’épiphanie mystique et religieuse.
Une œuvre profondément physique et inspirante à aller voir comme une expérience à vivre, sur grand écran.