La Mesías, série en 7 épisodes, réalisée par Javier Ambrossi et Javier Calvo, a marqué l’année 2024 en remportant le prix de la meilleure réalisation au festival Séries Mania. Ce succès confirme le savoir-faire des deux réalisateurs, véritables icônes de la télévision espagnole, déjà remarqués pour leurs précédentes créations.
Enric et Irene ont grandi plus vite que leur mère, trop fêtarde, trop déglinguée, qui vendait son corps pour les nourrir avant de devenir la cheffe de file d’une secte dédiée à la Vierge. Affranchis de son emprise, ils vont découvrir qu’ils ne sont pas totalement libres…
Après une entrée en matière dans laquelle il faut s’imprégner progressivement, l’histoire de ce thriller dramatique s’accélère et devient carrément captivante. C’est le basculement d’une femme et mère cabossée en une sorte de gourou totalement délirante. Le récit se centre alors autour de cette famille matriarcale dominée par cette mère charismatique et inquiétante, persuadée d’avoir reçu un message divin. Cette figure, à la fois fascinante et terrifiante, guide ses enfants dans une secte où la foi devient une arme de contrôle. Les dilemmes moraux et psychologiques des personnages sont magnifiquement explorés, tout en maintenant une tension constante qui tient le spectateur en haleine. Une réussite absolue en forme d’ovni pointue.
Une intrigue ancrée dans le drame familial et la religion
L’histoire de La Mesías se déroule dans une Espagne rurale, où une famille est sous l’influence d’une mère convaincue d’avoir reçu un appel divin. Le scénario s’intéresse aux dynamiques familiales sous l’emprise d’une foi extrême, abordant des sujets tels que la manipulation religieuse, les abus émotionnels et l’héritage des traumatismes intergénérationnels. La série prend le temps d’explorer les conflits internes des personnages, confrontés à la fidélité familiale et au besoin de se libérer d’une influence oppressante. Loin d’une simple critique de la religion, La Mesías interroge les croyances et la frontière entre foi et fanatisme, offrant un récit nuancé et ouvert à diverses interprétations.
Une réalisation saluée par la critique
Récompensée à Séries Mania pour la qualité de sa mise en scène, la série se distingue par une réalisation extrêmement soignée. Les Javis, comme on les surnomme, déjà connus pour leur travail sur des séries acclamées comme Veneno, ont une fois de plus démontré leur capacité à jongler avec les genres, allant du thriller à la tragédie familiale. La photographie sombre et évocatrice de la série, associée à un montage nerveux, immerge le spectateur dans un univers à la fois oppressant et envoûtant.Le Jury de Séries Mania avait salué le travail de Javier Ambrossi et Javier Calvo pour leur capacité à créer une atmosphère cinématographique intense, tout en explorant des thématiques psychologiques et sociales complexes. La mise en scène joue habilement avec les non-dits et la symbolique religieuse, renforçant ainsi l’impact émotionnel du récit.
Des interprétations très convaincantes
Les performances des acteurs sont l’un des points forts de La Mesías. L’actrice principale incarne avec une intensité rare ce rôle ambigu de mère dévouée et manipulatrice, évitant les excès tout en capturant la complexité de son personnage. Les rôles secondaires (mais aucun ne l’est réellement), notamment les enfants (aux divers âges proposés), apportent un complément solide à cette dynamique, chacun contribuant à l’intensité dramatique de la série sans surenchère. Ce casting équilibré permet d’ancrer l’histoire dans une réalité tangible, renforçant l’impact des thèmes explorés sans se reposer sur des effets émotionnels excessifs.
Une réflexion sur la foi, le pouvoir et l’identité
L’un des intérêts de La Mesías réside dans sa capacité à susciter la réflexion autour de la foi et de ses dérives. La série aborde la question de l’emprise non seulement à travers la religion, mais aussi comme une métaphore du pouvoir et des limites imposées à l’individu. Elle interroge subtilement le rapport entre la croyance et l’aliénation, tout en laissant le spectateur libre de son interprétation. Elle n’impose jamais de jugement univoque sur la foi, mais invite à réfléchir sur la manière dont celle-ci peut devenir un outil de domination, dans un cadre familial ou au-delà. Le scénario explore également comment l’enfance, lorsqu’elle est marquée par le contrôle et la coercition, peut affecter profondément le développement d’un individu, brisant sa capacité à se définir en dehors de l’autorité qu’il subit. Ce portrait d’une enfance brisée résonne comme une analyse plus vaste des dynamiques de pouvoir dans la société.
La Mesías s’impose comme une œuvre intense et troublante à la fois dramatique et symbolique, portée par une réalisation virtuose et des interprétations bouleversantes. La reconnaissance à Séries Mania souligne le travail des Javis, qui continuent à s’imposer comme des figures majeures de la création audiovisuelle espagnole. Que l’on s’intéresse à l’aspect psychologique ou aux métaphores sociales et religieuses, cette série parvient à marquer durablement le spectateur par la richesse de son propos et la subtilité de sa mise en scène.