Après une diffusion sur plusieurs semaines sur Canal +, la mini-série de Xavier Dolan La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé est maintenant disponible en replay sur la plateforme de la chaîne. Si white is white… même en format télévision, incontestablement Dolan is Dolan… Et à son meilleur même !

Au début des années 1990, Mireille, son frère Julien et leur meilleur ami Laurier forment un trio inséparable. Les garçons viennent de remporter le championnat provincial de baseball et Mireille rêve de brûler les planches. Qui sait ce que l’avenir leur réserve ? Pourtant, une nuit d’octobre, en 1991, leurs destins sont à jamais bouleversés par un terrible incident et leurs routes se séparent.

Depuis ses débuts avec le film semi-autobiographique J’ai tué ma mère en 2009, Dolan a plus ou moins dirigé un long métrage chaque année. En fait, la période la plus longue pendant laquelle Dolan s’est éloigné du cinéma a été les trois années marquées par la pandémie. Comme pour rattraper son absence, le cinéaste revient avec La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, son premier projet télévisuel. Adapté à l’écran à partir d’une pièce de théâtre éponyme de Michel Marc Bouchard, auteur également de Tom à la ferme, Dolan réalise cinq épisodes d’une heure et joue le rôle d’Elliot Larouche, le plus jeune des quatre enfants adultes que nous rencontrons progressivement alors qu’ils se réunissent autour de leur mère mourante Madeleine (Anne Dorval). Il continue ainsi à explorer la relation complexe et fascinante entre les mères et les fils et, plus généralement, les relations familiales faites d’amour et de haine.

Se déroulant simultanément en 2019 et en 1991, la série s’ouvre sur un épisode séduisant, moins intéressé par le fait de relier les points et plus insistant sur la construction d’une atmosphère, d’un mystère et d’un sentiment étrange de pressentiment. Un par un, nous rencontrons les frères et sœurs et les démons qu’ils combattent dans leur esprit et, parfois même, dans leurs relations. Mettant soigneusement en place les enjeux narratifs, Dolan fait lentement monter la tension tout en s’appuyant sur des fioritures stylistiques classiques mais hyper-efficaces.

La distribution, composée de plusieurs acteurs ayant participé aux précédents films de Dolan, est impeccable, offrant des performances captivantes et nuancées. Il y a aussi des rôles mémorables dans des personnages secondaires, où l’on rencontre des habitants pleins de caractère, qui injectent plus d’humour et contribuent à un ton qui n’est pas sans rappeler celui de l’excellente série Mare of Easttown.

Dolan a déjà prouvé qu’il était un expert dans l’utilisation de la musique pour renforcer une séquence émotionnelle, en apportant plus de profondeur et de sens à la fois dans le morceau en lui-même et dans ce qui se passe à l’écran.

Ici, Dolan dispose non seulement d’une partition éblouissante du maître Hans Zimmer et de David Fleming, mais aussi d’une utilisation inspirée et émouvante de chansons comme cette magnifique version de Rufus Wainwright de Quand vous mourrez de nos amours, qui n’est évidemment pas sans donné sens au scénario. Quelle redoutable intensité émane d’à peu près toutes les scènes ! Dolan est vraiment bluffant dans sa capacité à nous donner de lire sur les visages les souffrances les plus fortes et les plus secrètes à la fois. Il libère, en quelques sortes, les ressentis exacerbés. Il questionne le poids du passé et des secrets enfouis et tus, l’impossibilité du pardon, la douleur des regrets.

La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé est un drame, voire même un thriller, familial obsédant qui s’inscrit dans la lignée des meilleurs travaux de Dolan en tant que cinéaste.

Tournée avec son collaborateur habituel, le directeur de la photographie André Turpin, la mini-série est également merveilleuse lorsqu’elle passe du naturalisme à des éléments d’horreur cauchemardesques déroutants, le tout ne nous laissant certainement pas tout à fait indemne… forcément.