Le film se présente comme un retour aux origines, qui devient un retour sur soi-même, révélant le conflit intérieur d’un homme entre une foi qu’il a négligée et une vie qui le rend profondément insatisfait. Une façon aussi d’aborder la question du deuil sous toutes ses formes.

Après la mort de sa belle-sœur dans un accident de moto à Saigon, Thien se voit confier la tâche de ramener son corps dans leur village natal. Il y emmène également son neveu Dao (5 ans), qui a miraculeusement survécu à l’accident. Au milieu des paysages mystiques de la campagne vietnamienne, Thien part à la recherche de son frère aîné, disparu il y a des années, un voyage qui remet profondément en question sa foi.

La valeur du rituel, le sens de la foi

Le premier long métrage du scénariste et réalisateur Pham Thiên Ân, après deux courts ayant reçu le plus bel accueil et de nombreux prix, réussit à fusionner une histoire simple et réaliste avec un scénario beaucoup plus mystérieux dans lequel le mystique et l’onirique entrent en jeu. Nous assistons ici à la maturation spirituelle d’un jeune homme. Partant de l’insignifiance de la mort (le moteur de l’action qui s’exprime de diverses façon), le film se construit autours de différentes étapes et rencontres, à travers lesquelles des questions telles que la valeur du rituel, le sens de la foi, l’absurdité de la guerre, la possibilité de l’amour ou le destin de l’âme sont remises en question.

Peu après l’une des cérémonies funéraires de sa mère, Dao demande à son oncle à quoi ressemble la foi, ce à quoi Thien répond : « Elle n’a pas de forme. » Dao poursuit en demandant : « Qu’est-ce que la foi ? » « C’est aussi ce que je cherche », répond Thien. Un dialogue lourd de sens car, comme Thien, Pham Thiên Ân a compris qu’il est facile de poser des questions aussi simples, mais que la recherche de ces réponses est, pour beaucoup de gens, la chose la plus complexe qu’ils feront de leur vie.

Une quête intérieure

L’arbre aux papillons d’or, dans sa puissante multiplicité de sens, est donc aussi l’histoire d’une double recherche. Celle par Thien, bien concrète de son frère, le père du jeune Dao, qui a disparu et dont on est sans nouvelles depuis longtemps ; qui devient une exploration « transcendante », à travers laquelle les peurs et les désirs les plus profonds de Thien vont remonter à la surface. Le chagrin de Thien ne concerne pas seulement ceux qu’il a perdus, mais aussi les versions passées de lui-même, et la quête de son frère devient ainsi quelque chose de beaucoup plus profond et d’intérieur.

Pour un film qui traite ostensiblement de l’impact de la mort, L’arbre aux papillons d’or transpire constamment la vie.

Pham Thien An remplit chaque image de mouvements humains. Il utilise les sons vibrants de la ville et de la campagne comme des symphonies contrastées, soulignant les joies et les traumatismes de la vie au fur et à mesure qu’ils se déroulent. Pour saisir cette effervescence, le directeur de la photographie Dinh Duy Hung s’exprime par de longs plans séquences et de légers mouvements de caméra dans une recherche très particulière du cadre. Le spectateur est ainsi immergé dans l’univers de Thien, le personnage principal du récit. En accord avec la réalisation patiente d’An et son scénario méditatif et perspicace, la caméra de Hung séduit par ses panoramiques lents à travers, notamment, la campagne vaste et verdoyante.

Un autre point fort de Pham est la vraisemblance absolument stupéfiante qu’il est capable d’obtenir à l’écran, révélant presque une dimension documentaire à son film. C’est un cinéaste qui utilise son héritage culturel pour produire un effet puissant et fascinant à l’écran. Toute la vie vibrante du Viêt Nam se retrouve dans les cadres soigneusement composés par Pham. Les intérieurs sont détaillés, exigus et encombrés, débordant d’objets et de personnes. Les extérieurs rendent hommage à la riche beauté des forêts tropicales vietnamiennes. Il s’agit de lieux réels, vivants, respirant, capturés dans toute leur vitalité par un cinéaste talentueux.

Sur le plan narratif, le réalisateur ne choisit pas non plus la facilité en situant son histoire au sein de la minorité chrétienne du Viêt Nam, en montrant entre-autres leurs coutumes et leurs croyances lors de cérémonies funéraires prolongées. Il s’agit d’un film qui cherche, qui saisit, qui veut s’engager dans les mystères qui nous déconcertent et nous séduisent.

Ce premier long métrage absolument remarquable révèle une nouvelle voix audacieuse et pertinente dans le cinéma asiatique.

Filmé avec délicatesse et un sens aigu de la beauté plastique, en mettant dans le même temps le fond au niveau de la forme, la reconnaissance et la sortie en salle de L’arbre aux papillons d’or deviennent presque un acte de foi dans un cinéma qu’il est de plus en plus difficile de voir. Alors, ne passez pas à côté de cette si belle occasion.