La jeune Eugénie communique avec des esprits. En l’apprenant, son père décide de la faire interner à la Salpêtrière, asile pour femme tenu par l’éminent docteur Charcot, pionnier de la neurologie et de la psychiatrie. Le chemin de la jeune femme croise alors celui de Geneviève, une infirmière brisée par la mort de sa sœur. Ensemble, elles se préparent à assister au “Au bal des folles” événement mondain lors duquel les patientes de l’hôpital se retrouvent grimées en gitane, colombine ou mousquetaire pour le plaisir du Tout-Paris.
Attendue à nouveau avec The Nightingale le 4 janvier prochain, Mélanie Laurent est ici derrière mais aussi devant la caméra. Elle réalise donc mais incarne aussi l’un des deux rôles principaux du film, celui de Geneviève, infirmière à la Pitié-Salpêtrière, qui va nouer progressivement un lien particulier avec Eugénie, jouée par Lou de Laâge, qui avait déjà joué sous la direction de la réalisatrice dans Respire.
Le bal des folles est un film d’une grande force émotionnelle, tant par le fond bouleversant de l’histoire, que par la forme, grâce à une manière très frontale de filmer et une photo magnifique qui vous plonge habilement dans ce Paris du 19ème siècle, mais aussi par la justesse du jeu de toutes ces actrices et acteurs, de premiers comme de seconds rôles.
En fait, Mélanie Laurent nous introduit, au-travers des histoires fictives d’Eugenie et Geneviève, dans celle d’un lieu parisien, la Salpêtrière qui, jusqu’au 20ème siècle, accueillit un asile-prison destiné aux femmes dites “hystériques”. Derrière ce mot, utilisé encore de nos jours assez facilement, tout y est caché… le terme étant approprié car on efface, on emprisonne et on maltraite, tout ce que la « bonne société » ne considère pas comme « normale » chez une femme. Alors oui, une part de médecine accompagne ce procédé mais on y trouve surtout beaucoup de cynisme et de perversité. Avec intelligence, la cinéaste, imagine malgré tout ce lieu de l’horreur comme un espace de résurrection possible. Par la solidarité entre ces femmes d’origines diverses et aux histoires plurielles, face aux abus médicaux et aux infâmes traitements dont elles sont les victimes, le mal ne l’emporte, en effet, pas totalement et toujours !
Mais ne croyez tout de même pas que le traitement de Mélanie Laurent soit gentillet. Sa caméra ne se baisse pas devant les corps nus qui se débattent et se révoltent dans l’espoir de se libérer. Le micro ne se mute pas quand les hurlements de douleur ou de peur surgissent des tripes et des âmes de ces dames. L’objectif choisit d’affronter au contraire le regard de l’autre infirmière Jeanne (Emmanuelle Bercot), d’une odieuse perversité, ou le non regard de Charcot (Grégoire Bonnet) qui traite ses patientes comme des cobayes désincarnés. Et Laurent termine en apothéose avec le fameux bal, preuve ultime de la déshumanisation de ces femmes par ces médecins qui les transforment en clowns ou animaux de cirques, avec lesquels l’amusement de tout ordre peut s’envisager…
À souligner aussi le traitement intéressant de ce rapport aux esprits, d’une sincère réflexion, traversant tout le scénario, sur le « croire », sur la force du lien qui unit ceux qui s’aiment. Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne, je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.