Première réalisation d’Antonin Baudry qui passe de la diplomatie au cinéma sur un long métrage qui ressemble plus à un défi ou un miracle qu’à un projet cinématographique classique.

Synopsis : Un jeune homme a le don rare de reconnaître chaque son qu’il entend. A bord d’un sous-marin nucléaire français, tout repose sur lui, l’Oreille d’Or. Réputé infaillible, il commet pourtant une erreur qui met l’équipage en danger de mort. Il veut retrouver la confiance de ses camarades mais sa quête les entraîne dans une situation encore plus dramatique. Dans le monde de la dissuasion nucléaire et de la désinformation, ils se retrouvent tous pris au piège d’un engrenage incontrôlable. 

Un film rare dans la typologie habituelle du cinéma français… car Le chant du loup a tout d’un Blockbuster hollywoodien, mais avec ce trait particulier d’aborder les personnages avec une humanité particulière et beaucoup de psychologie. Et justement ces héros de l’histoire (au double sens filmique et sociétal) sont fondamentaux dans le récit. Alors il fallait un casting 4 étoiles disais-je… François Civil, Omar Sy, Matthieu Kassovitz, Reda Kateb et Paula Beer se partagent ainsi l’affiche, et parviennent à se valoriser mutuellement. Ils excellent et insufflent cette humanité que j’évoquais, chacun à sa manière, à des personnages qui, il faut le reconnaître, par ce qu’ils représentent naturellement dans l’ordre militaire établi, pourraient en manquer terriblement.

Coup de chapeau donc à Antonin Baudry, qui n’emprunte pas le chemin le plus facile pour réaliser un premier film. Étonnamment, rien dans son parcours ne semblait l’y prédestiner. Ce passage à la mise en scène ressemble en effet à un sacré défi pour ce diplomate et conseiller politique. Seul réelle incartade jusque-là le sortant de cet univers particulier et un peu obscur, l’écriture du scénario des deux tomes de la Bande Dessinée Quai d’Orsay (2010), se nourrissant de son expérience auprès de Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères. Puis, dans l’élan de ce scénario, la présidence d’un jury au 43ème festival international de la bande dessinée d’Angoulême, en 2016.

Bon, parlons de l’histoire. Une histoire militaire au cœur de la marine française et des sous-marins nucléaires en particulier. Beaucoup de suspense avoir un scénario plutôt bien mené. On baigne (c’est le mot qui convient) dans un vrai jeu de stratégie, tel une bataille navale avec toute une tactique à mettre en place avant chaque décision. Il en ressort notamment un souci strict du moindre détail, qui rend l’histoire captivante. L’ambiance à l’intérieur de ces monstres de ferraille et de technologie est aussi remarquablement restituée avec la mise en relief de toute la promiscuité des lieux et la sensation d’étouffement qui s’y ajoute.

On pourra regretter les sous intrigues inutiles, romances superflues, sans doute voulues pour alléger le scénario mais, clairement, le film excelle dans le cœur de l’action, dans sa capacité à générer une vraie tension palpable. Il faut dire que le pari de faire que le héros soit un simple membre d’équipage est extrêmement payant. Un choix à contre courant de ce que l’on connaît habituellement dans les films du  genre comme « A la Poursuite d’Octobre Rouge » (John McTiernan, 1995), « Crimson Tide » (Tony Scott, 1995), ou encore « K19 » (2002), où le récit repose sur la figure charismatique et imposante du commandant. Ici, le héros s’appelle Chantraide (interprété par Francois Civil). C’est une « oreille d’or » comme on les appelle. Nom donné dans la marine nationale aux spécialistes de l’analyse acoustique qui embarquent à bord des sous-marins pour analyser et compléter les enregistrements du sonar. Et avec ce parti pris narratif, le son devient aussi l’élément fondamental de scénario. Quelle belle trouvaille quand on se situe sous l’océan et dans ce genre de navire où l’on sait que tout bruit prend une teneur différente par rapport à n’importe où ailleurs.

Un film qui permet également d’aborder les relations humaines au prisme de la confiance, de la fraternité, confrontées aux doutes et aux remises en question que l’échec peut générer. Les enjeux de sacrifice et de devoirs sont aussi présents et donnent de l’épaisseur au scénario.

Alors avec tout ça, comment hésiter encore, à moins de détester ce genre de cinéma. Avec un cocorico en prime, car c’est plutôt réjouissant de voir le cinéma français se hasarder dans ces horizons et de bien le faire, ce qui ne gâche rien. Alors que le chant du loup puisse, on l’espère, résonner agréablement dans les salles obscures et si possible, assez longtemps.