En nouveauté sur Netflix depuis le 1ermars, le premier film de Chiwetel Ejiofor, consacré en 2013 par sa magnifique interprétation dans « Twelve Years a Slave ». Pour passer derrière la caméra, avec « Le garçon qui dompta le vent », il choisit d’adapter un livre éponyme publié en France en 2010. 

Synopsis : William Kamkwamba, un jeune garçon de 13 ans est renvoyé de son école quand sa famille ne peut plus en payer les frais. Après s’être introduit en secret dans la bibliothèque de l’école, et en utilisant les débris de la bicyclette de son père Trywell, William trouve le moyen de construire un moulin à vent qui sauve son village malawien de la famine. Autour d’un voyage émotionnel entre un père et son fils prodige, l’histoire de William illustre l’incroyable détermination d’un garçon dont l’esprit curieux a surmonté tous les obstacles qui ont entravé son chemin.

Quand le générique de fin défile, après quelques informations et images sur la réalité du récit et sa suite, un profond sentiment positif et de bien-être s’est installé chez le téléspectateur (on rappelle que le film est diffusé par Netflix). Le garçon qui dompta le vent est clairement à classer dans la catégorie « feel-good movie ». Mais on le sait, dans cette catégorie se côtoient le pire et le meilleur, et là c’est vers le haut du panier qu’il faut se positionner. Chiwetel Ejiofor, acteur anglais d’origine nigériane, qui fait ses débuts en tant qu’auteur et réalisateur et joue aussi le rôle du père de l’adolescent, nous offre du beau et du bon. Tout d’abord, c’est une très belle réalisation qu’il faut noter, portée par une splendide photo. Le directeur de la photographie Dick Pope rend pleinement justice à la beauté des paysages africains. Il y a par exemple des scènes colorées de rituels villageois impliquant des échassiers et des masques tout simplement somptueuses. Mais ce sont aussi les personnages et les situations qui sont mis en valeurs, avec des plans qui accrochent, qui fixent le spectateur, qui parfois même, à eux seuls, suffisent à exprimer des sentiments très puissants.

Ensuite c’est la performance des acteurs qui est à la hauteur avec, au premier plan, le jeune acteur kenyan Maxwell Simba, totalement convaincant dans le rôle de William Kamkwamba. À ses côtés, son père Trywell (Ejiofor) n’est pas un mauvais père, ni un homme méchant. Mais au fur et à mesure que sa famille a de plus en plus faim, sa rage envers son gouvernement, qui était censé l’aider à prospérer, remonte à la surface. La mère de William, Agnes (interprétée par la sublime actrice française d’origine sénégalaise Aïssa Maïga) est une figure plus calme et plus stable, mais sa fierté est aussi blessée. Dans une touchante scène, elle évoque ainsi ne jamais vouloir être la famille stéréotypée qui « prie pour la pluie », comme l’ont fait ses ancêtres, et désespère que la stratégie de son mari pour sauver la ferme finisse presque exactement comme cela.

Câblages, aimants et vieux vélos

Un film qui est bien plus qu’un récit triomphaliste sur un enfant intelligent qui aide sa communauté à se sortir d’un bourbier. Ejiofor s’intéresse autant aux relations entre les membres de la famille qu’aux expériences de William avec les câblages, les aimants et les vieux vélos. Et il passe même la majeure partie de son temps à dépeindre la communauté de son héros et évite avec succès beaucoup des tropes nuisibles qui tendent à accompagner les représentations populaires et culturelles de la pauvreté ou des conflits dans les pays africains. Cette approche nuancée est ce qui rend le film beaucoup plus captivant que d’autres films du genre. Chiwetel Ejiofor attire l’attention sur l’histoire de Kamkwamba, mais il se concentre tout autant sur la description de la vie familiale du garçon et des difficultés de l’agriculture au début des années 2000 au Malawi. La famine n’est pas seulement une chose qui arrive aux Kamkwamba. C’est le résultat d’une série de catastrophes imprévisibles qui s’abattent sur ce petit village et laissent ses habitants lutter pour cultiver et vendre de la nourriture. En examinant les nombreuses raisons structurelles de la crise du village, Ejiofor fait en sorte que le triomphe de Kamkwamba fasse encore plus sens sur le plan narratif.

Le film dépeint une Afrique où il n’y a pas d’égalité des chances et où des communautés entières sont simplement abandonnées par les politiciens. Dans une scène très choquante, l’aîné du village est brutalement battu simplement parce qu’il s’est exprimé en public et a demandé au gouvernement d’intervenir pour fournir une aide d’urgence en cas de famine. Et l’arrivée de cette famine arrive comme un accident de voiture au ralenti. Tout le monde sait que cela va se produire, mais ils sont impuissants pour y mettre fin.

Alors oui, à un moment, on peut commencer à se demander s’il n’est pas temps pour le garçon de commencer à « dompter » ce vent ? Mais Ejiofor ne veut visiblement pas que l’exploit de William ait l’air facile. Non seulement William doit rassembler le matériel pratique nécessaire à la construction d’un moulin à vent dans un village presque abandonnée, mais il doit aussi remettre en question le scepticisme de son père et le persuader de renoncer aux quelques biens qu’il possède encore, dont un vélo, pour créer quelque chose qui peut sembler impossible ou utopique. Se jouent là aussi des aspects psychologiques considérables quant à la place du père, ses choix, la question de l’éducation et les traditions. Il est frappant, profondément triste, mais aussi tellement interpellant vis-à-vis de nos sociétés contemporaines, de considérer que la seule chose qui empêchait le village de William de mourir de faim était une énergie éolienne rudimentaire. Mais si tout cela peut sembler très sombre, le film ne dépeint jamais ses personnages comme des victimes passives. William est un personnage à la Huckleberry Finn avec un côté aventureux et espiègle. Il est aussi particulièrement résilient.

Le garçon qui dompta le vent aurait pu rester un récit conventionnel de désespoir et de rédemption, mais dans les mains d’Ejiofor, il devient rempli d’une force réaliste et politique qui développe richement plusieurs angles à cette histoire et parvient ainsi à être une adaptation gagnante. Et lorsque s’écrit sur l’écran cette magnifique phrase « : « Dieu est comme le vent. Il touche tout ce qui existe. », on peut se dire alors que ce film a du divin en lui.

Le film a été présenté fin janvier au Festival de Sundance où il a remporté un prix, et à celui de Berlin le mois dernier.