Avec plus de 150.000 entrées en une semaine, Le Livre des solutions de l’artiste (difficile de le réduire à réalisateur) Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind qui lui vaut l’Oscar du Meilleur Scénario Original, partagé avec Charlie Kaufman et Pierre Bismuth – Soyez sympas, rembobinez – The Green Hornet – L’écume des jours…) est en train de trouver son public. Et il faut dire qu’il y a matière par la tendresse, la douce folie et l’autodérision qui jalonnent sans cesse cette heure quarante-deux d’une histoire partiellement autobiographique portée par une immense performance de Pierre Niney.

Marc, avatar autobiographique de Gondry

Becker (Pierre Niney), s’enfuit avec toute son équipe, Charlotte (Blanche Gardin), Silvia (Frankie Wallach) et Carlos (Mourad Boudaoud), dans un petit village des Cévennes pour finir son film chez sa tante Denise (la légendaire Françoise Lebrun). Sur place, sa créativité se manifeste par un million d’idées qui le plongent dans un drôle de chaos. Marc se lance alors dans l’écriture du Livre des Solutions, un guide de conseils pratiques qui pourrait bien être la solution à tous ses problèmes…

Mais quel plaisir de rire et d’entendre rire une salle de cinéma… de se laisser émouvoir, de vivre, tout simplement, un bon moment ! C’est ce qui vous est proposé en allant voir Le Livre des solutions, qui marque le retour de Gondry, 8 ans après son dernier long-métrage Microbe et Gasoil, qui a révélé récemment avoir été diagnostiqué bipolaire par un psychiatre à la suite d’un épisode maniaque durant la promotion de L’Écume des jours en 2013. C’est de cela qu’il est précisément question avec l’histoire de Marc, l’avatar autobiographique de Gondry. Un artiste aux troubles névrotiques qui décide d’arrêter son traitement médical pour laisser libre cours à sa créativité. Bien sûr, tout alors s’emballe dans sa tête et dans sa relation aux autres…

Michel Gondry, réalisateur courageux

Le Livre des solutions est en fait plus une lettre d’amour aux amis et à la famille de Gondry qui l’ont soutenu au fil des ans qu’une ode à lui-même ou à son travail. Il y a beaucoup de courage à admettre que l’on s’est comporté comme une personne égoïste et arrogante dans le passé, et il y a beaucoup de grâce à traiter cet aveu avec légèreté et humour.

Gondry conserve son style individuel et idiosyncrasique bien documenté (de nombreuses petites et jolies animations abondent), mais son film marque aussi un changement significatif. C’est l’œuvre d’un homme qui a accepté et osé regarder droit jusqu’au plus profond de l’abîme ténébreuse de ses démons personnels (peut-être à l’image de l’image finale) et qui en est sorti grandi et fortifié. En nous partageant cela et de cette manière, la grâce qu’il a pu expérimenter se partage et nous traverse, nous, assis dans les fauteuils rouges de la salle obscure. Pour exemple, dans l’expression que certains des délires de Marc portent des fruits délicieusement drôles et touchant, cette séquence où il réunit un orchestre pour jouer la musique qu’il a en tête sans lui donner la moindre partition à lire. Gesticulant sauvagement tandis que l’orchestre improvise, tapant du pied pour diriger les percussions, sans jamais émettre la moindre note, Marc fait surgir la beauté du chaos, émergeant de cette démonstration corporelle enfantine avec la partition de ses rêves. « Note à moi-même », réfléchit-il : « Rester humble après cette expérience transformatrice ».

Une comédie tendre et mélancolique

Mais quel que soit le talent de Gondry, il fallait encore incarner tous ces personnages de cette histoire si « particulière »… et c’est sans doute là encore que la force du film s’amplifie exponentiellement avec Pierre Niney en tête, qui est vraisemblablement là dans son meilleur rôle. Il magnifie les moindres pensées et gestes de ce génie fou et nous accroche dans nos émotions les plus diverses.

Les personnages secondaires sont tout aussi travaillés et composent un très bel ensemble. Même l’« englishman » (in Cévennes cette fois) trouve une juste place et offre un doux moment de cinéma à Gondry. À tout cela s’ajoute aussi, tout au long du film, la voix off de Marc qui accompagne le récit et le commente avec une distance semi-ironique.

Comédie tendre, mélancolique à souhait, Le Livre des solutions m’a vraiment enthousiasmé et je ne peux que vous encourager à vous ajouter à toutes celles et ceux qui ont déjà succombé à son charme.