Né en 1775, il s’est engagé pour des raisons que l’on ignore dans les armées révolutionnaires, à moins de 16 ans ; c’était en 1791. Il a poursuivi sa carrière militaire dans les armées napoléoniennes jusqu’à sa retraite qui a coïncidé avec la fin de l’Empire et les débuts de la Restauration. Rapidement intégré, après son engagement, dans le corps des pontonniers, il a été promu capitaine à 31 ans et décoré de la Légion d’honneur. Après 24 années d’une vie rude et périlleuse, faite de milliers de kilomètres parcourus à pied, de combats et de batailles, de captivité même, le capitaine Gauthier revient à la vie civile, dans son Poitou natal où il retrouve sa femme, épousée lors d’une lointaine permission ; il gère leurs biens, et fait fructifier ses avoirs, tout en étant régulièrement réélu conseiller municipal de sa petite commune, Benassay.

Les recherches approfondies menées dans des archives multiples ont permis à Claudine Auliard de suivre les étapes successives de la vie de cet homme d’origine modeste qui n’avait pas fréquenté d’école et cependant savait lire, écrire et parfaitement compter.

Sans entrer ici dans le détail des armées auxquelles il a été affecté, des campagnes auxquelles il a participé, ni de ses actions d’éclat, promotions et décorations, on retiendra surtout qu’il appartenait au corps des pontonniers, ces soldats qui construisent à la hâte les ponts pour permettre le franchissement des torrents et rivières et dont l’auteure décrit dans le détail le travail difficile et physiquement épuisant ; elle s’étend, entre autres, sur leurs difficultés et leur dévouement lors du passage de la Bérézina et le lourd tribu qu’ils ont payé à cette occasion.

À sa mise à la retraite, le capitaine Gauthier entreprend une nouvelle et longue vie à laquelle il semble s’être adapté sans problème. Le contraste est saisissant entre les deux pans de son existence, avant et après sa mise à la retraite de l’armée. Dorénavant il gère le patrimoine familial, il prête de l’argent avec intérêt et moyennant garanties, bref il se comporte en banquier ou en homme d’affaires et s’enrichit. Parallèlement il est régulièrement réélu conseiller municipal de sa commune de mille habitants, jusqu’à sa mort en 1858, à l’âge de 82 ans, âge exceptionnel pour l’époque.

Au terme de ce long parcours d’un rescapé des guerres napoléoniennes et de la Bérézina, d’un capitaine qui, avec la même énergie que dans sa jeunesse, se convertit dans son âge mûr à la vie locale de son pays, on met le doigt sur l’importance des seconds rôles dans l’histoire. Le texte de Claudine Auliard n’en est que plus intéressant.