Un film porté par deux comédiens tout à fait remarquables, Alice Isaaz et Adam Bessa.

Natacha, 25 ans, jeune mère célibataire galère pour élever son fils Enzo, 8 ans. Walid, lui, migrant d’origine Irakienne, attend de réunir assez d’argent pour payer son passage vers l’Angleterre. Aux abois, ils improvisent ensemble une filière artisanale de passages clandestins.

Le thème de la migration, la question même des migrants en Europe, ont déjà été assez largement utilisé sur grand écran. Sujet à la fois de constante actualité avec des enjeux sociaux considérables, ces films sont généralement touchants et porteurs de valeurs humanistes. Le prix du passage ne déroge pas à la règle sur ces points, bien au contraire même. Mais son réalisateur, Thierry Benisti (Versailles le rêve d’un roi, L’outremangeur, Une bouteille à la mer), a choisi d’aborder son sujet sous l’angle spécifique de deux personnages, se fixant sur Walid et Natacha et leurs univers parallèles qui se rencontrent, se percutent même grâce à la fiction. Ces deux jeunes portent en eux, en effet, des paradigmes totalement opposés mais pourtant marqués par une forme de lutte, d’un combat pour tenir bon et continuer d’avancer dans cette vie difficile.

Walid (Adam Bessa) est en transit, après un long périple depuis l’Irak, cherchant à rejoindre l’Angleterre avec deux membres de sa famille. Il est dans l’attente d’un prochain lieu de vie, dans l’espoir d’une solution, d’un passage.

Et il doit donc se battre pour survivre, cherchant l’opportunité d’une traversée onéreuse, cherchant à pouvoir manger, se laver, dans des lieux où le racket est tapi à chaque coin de la jungle. On pourra noter que Walid ne dit pas ce qu’il a subi en Irak. C’est quelque chose que l’on retrouve dans beaucoup de témoignages des migrant, fait remarquer Benisti : « quand on est dans l’énergie de se reconstruire, on essaye de dépasser sa propre histoire ».

Natacha (Alice Isaaz), elle, est entière et rebelle, souvent à fleur de peau. Elle n’apprécie pas ces migrants, qui lui complique la vie, déjà bien compliquée, avec un fils à sa charge et la volonté d’être indépendante coûte que coûte. Elle va découvrir leurs réalités par la force des choses au-travers de ce que Benisti aborde comme un choc de deux précarités.

Le prix du passage est en fait un film « de personnages »

Dans le scénario, avec Natacha et Walid en particulier (même si pas mal d’autres viennent pimenter tout ça), mais aussi par le jeu d’une profonde justesse d’Alice et Adam. Alice Isaaz, excellente également actuellement dans Apaches de Romain Quirot, est d’un naturel éclatant. Elle brille à l’écran et apporte une force émotionnelle implacable à cette histoire.

Adam Bessa, vu récemment dans Harka, est absolument parfait. Pas besoin d’en rajouter, juste là comme il faut pour nous donner d’appréhender la complexité de sa situation.

Avec ces deux héros qui jouent une possible suite à leurs vies, qui cherche à construire une espérance, une histoire d’amour semble alors d’une logique absolue… Ce que l’on pourrait d’ailleurs sans doute tout de même déceler dans leur relation, ou plutôt le contrat qui les lie. Mais jamais l’attirance ne les fera glisser dans une histoire facile qui aurait clairement abimé ce beau scénario en en faisant un drame romantique à trois sous. Je ne vous raconterai évidemment pas la fin, pour vous laisser le plaisir de le découvrir par vous-même, mais là aussi pas de stratagèmes inutiles, de surplus faciles… l’histoire fait sens, et laisse l’ouverture à un rêve d’ailleurs se poursuivre, pouvant alors même nous rejoindre toutes et tous dans nos propres histoires.

Le prix du passage a aussi l’intelligence, par son scénario, de prendre la forme d’un thriller apaisé (mais pourtant tendu dans les enjeux qui sont au cœur de l’histoire). Quand je dis apaisé, je veux dire par là qu’il n’y a pas de courses poursuites effrénées – la seule du film se vit en mode plutôt tranquille – point de fusillades où l’on tire de partout… non, mais du suspense, de la tension et une dimension dramatique sont pourtant des éléments prégnants.

Comme le dit encore Benisti, le film raconte une histoire avec une force dramatique qui permet au spectateur d’être dans l’histoire aussi bien par l’émotion que par la réflexion en utilisant notamment des plans symboliques très parlants.

Un film que je vous conseille tout particulièrement, en vous encourageant à ne pas tarder à aller le voir en salles afin de lui donner l’opportunité de durer et de voir le nombre de copies augmenter…