Après avoir été récompensé du prix SACD (La société des auteurs de ciné, tv, radio…) lors de sa présentation à la Semaine de la Critique lors du dernier Festival de Cannes, Le Ravissement, premier long métrage de la scénariste et réalisatrice Iris Kaltenbäck sort maintenant en salles.
Lydia (Hafsia Herzi), une sage-femme dévouée et attentionnée, voit son monde s’écrouler lorsque son petit ami lui avoue qu’il l’a trompée et qu’il rompt avec elle. Au même moment, sa meilleure amie, Salomé (Nina Meurisse), lui annonce qu’elle est enceinte et lui demande de suivre sa grossesse. Après l’accouchement, alors qu’elle prend le bébé des mains de ses parents épuisés, elle tombe sur Milos (Alexis Manenti), un amant d’un soir de la période sombre qui a suivi sa rupture. Dans un moment de solitude amère, elle lui dit que cette fille est la sienne, et ce mensonge va la hanter alors qu’elle tente de construire un lien avec Milos, orchestrant ainsi sa propre chute.
Mensonge et dissimulation
Le Ravissement, merveilleux titre polysémique, est l’histoire d’une rupture puis d’une rencontre, l’histoire d’une naissance et du ravissement qui l’accompagne, l’histoire d’un basculement brutal et totalement irréfléchi, l’histoire enfin d’un fait divers ou une autre forme de ravissement se produit, l’histoire enfin d’un jugement. Ce premier film d’Iris Kaltenbäck traite ainsi du mensonge et de dissimulation par le prisme d’une imposture totalement non préméditée mais qui surgit dans un instant de vie, subrepticement, racontée d’une manière mesurée et extrêmement convaincante.
En l’encadrant d’ailleurs par une voix off, qui raconte l’histoire et passe au crible la chronologie des pensées et des actions des personnages centraux, la réalisatrice choisit de nous faire préfigurer la fin, créant une tension et une intrigue sur le comment et le pourquoi de l’arc de Lydia.
Tiré d’une histoire vraie
Dans la rencontre avec un homme qui devient son petit ami, une jeune sage-femme se fait passer pour la mère d’un bébé qui est celui de sa meilleure amie, qu’elle vient de faire accoucher. Tout cela peut sembler invraisemblable, pourtant cette histoire s’appuie sur un réel fait divers. Ayant débuté ses études dans le droit, la jeune réalisatrice explique que, de ses expériences passées dans les tribunaux, elle a acquis la conviction qu’un fait divers raconte souvent les tiraillements d’une société à une époque donnée. On y retrouve, à une échelle intime, de grandes questions politiques. Et le cinéma est alors un moyen de travailler de tels sujets, comme une fenêtre ouverte sur le monde.
Pour Iris Kaltenbäck, l’envie première fut de raconter le bouleversement d’une amitié et la naissance d’une histoire d’amour autour d’un même mensonge. Ce scénario va donc ainsi dans cette direction et vient questionner, avec beaucoup de pudeur, d’empathie et de finesse, de nombreuses thématiques passionnantes comme les faux semblants, l’enfoncement dans le mensonge (cette incapacité de réagir de l’héroïne est tout à fait interpellant), notre rapport aux épreuves de la vie, la persistance de certains traumatismes et, bien sûr, la maternité.
Le Ravissement est porté par une très belle distribution avec, tout particulièrement, la performance de Hafsia Herzi, qui est sans doute l’une de ses meilleures à ce jour.
Sa Lydia à la voix douce est un personnage très vivant. Une partition compliquée étant donné que son personnage se dévoile et perd nécessairement la sympathie du public au fur et à mesure de l’évolution de l’histoire. Herzi reste discrète, mettant tout dans ses yeux et ses inflexions vocales. C’est un choix judicieux, car il ne ruine pas totalement son personnage pour le public et suscite une certaine compassion de Lydia. C’est pourquoi le fait que Milos, qui sera essentiellement une victime des décisions de Lydia, soit celui qui raconte l’histoire est une si bonne idée, guidant lentement le public à changer sa perception. Ce sont des choix comme celui-là qui font du Ravissement un drame captivant, un vrai joli moment de cinéma et le témoignage de l’émergence d’une réalisatrice extrêmement prometteuse.
- Retrouvez Iris Kaltenbäck dans l’émission « Solae le rendez-vous protestant » diffusée en direct de Cannes le 21 mai sur France Culture