Une histoire qui commence par un départ… celui d’une mère et de ses deux petites filles, quittant la Corse (on le comprendra plus tard), dans les larmes pour se rendre en banlieue parisienne. Puis la caméra les retrouvent au même endroit, une quinzaine d’année plus tard, pour un retour.
Un retour sur l’île, mais un retour, aussi et surtout, sur leurs propres existences, sur un passé fracturé fait de non-dits, de vérités cachées et de conflits amers. Pour Khédidja (Aïssarou Dialla Sagna, qui a déjà remporté un César avec Corsini), mère veuve d’origine africaine, le fait de déterrer un passé enfoui met en évidence ses insécurités maternelles ; pour ses filles adolescentes Jessica (Suzy Bemba) et Farah (Esther Gohourou), les révélations que le voyage apporte ne font que souligner leur sentiment respectif de non-appartenance à leur propre petite famille.
Le film plonge dans la complexité de cette expérience, révélant les secrets de famille et les tensions sociales entre des mondes différents. Catherine Corsini s’attache à nouveau à travailler une thématique où la famille est au cœur, tout en questionnant des thématiques très actuelles : il est question de classes sociales, mais aussi de racisme, de traumas, d’origines, et même encore d’orientations sexuelles.
Le Retour aborde l’histoire avec une simplicité et un réalisme remarquables, de l’ordre presque du documentaire immersif, notamment dans son approche de l’univers adolescent.
La cinéaste s’immerge dans la vie de ces jeunes et dans leurs quêtes en temps de crise, explorant comment ces circonstances peuvent à la fois détruire et donner vie à leur créativité. Le récit offre un regard authentique et honnête sur la vie de ces ados en période de changement et de découverte.
Si Corsini est connue pour user de méthodes de travail brusques qu’elle ne réfute pas, il faut souligner sa qualité à une certaine habilité pour signaler des failles de nos sociétés. C’est par exemple ici les micro-agressions que ses femmes noires ne peuvent pas combattre directement comme un compliment élogieux qui se transforme en insulte condescendante (Denis Podalydès est excellent dans ce petit rôle qui compte, en exprimant librement plusieurs fois l’inconscient de son personnage). Des lignes invisibles et tacites d’acceptation et de rejet sont tracées tout au long du récit parfois au sein même de la cellule familiale.
Enfin, le côté “carte postale” qu’offrent les paysages de l’île de Beauté (que la réalisatrice n’épargne pourtant pas dans le fond) adoucit un scénario certes sombre mais interpellant, porté par un trio d’interprètes formidables qui contribue à donner à l’intrigue une vraie dimension humaine, organique.
Si Le Retour n’est pas la meilleure œuvre de Catherine Corsini, il capte l’éveil de l’adolescence, la recherche d’identité et les tensions familiales avec une approche authentique et émouvante. La performance de la jeune actrice Esther Gohourou qui donne vie à Farah, saluée pour son talent et son engagement, est particulièrement remarquable.