En Alsace-Moselle, les religions catholique, protestante (luthérienne et réformée) et juive bénéficient d’un statut particulier qui est le résultat d’une longue histoire, celle d’une région ballotée depuis des siècles entre la France et l’Allemagne.
Sous l’Ancien Régime, ce sont les diocèses de Strasbourg, de Spire et de Bâle qui rassemblent les catholiques. Les protestants, quant à eux, se trouvent dans 48 Églises territoriales où s’exerce l’autorité du seigneur ou du magistrat des villes. Lorsqu’en 1685, l’Édit de Nantes est révoqué, les protestants d’Alsace ne sont pas concernés puisqu’ils bénéficient des stipulations des traités de Westphalie de 1648, signés par Louis XIV. Au moment de la Révolution française, la constitution civile du clergé vise à incorporer les Églises dans l’État. Les protestants, eux, restent soumis aux autorités locales. En 1795, l’État et l’Église sont séparés.
La réorganisation des cultes par Napoléon Bonaparte
En 1801, un Concordat est mis en place pour le culte catholique. Les Articles organiques règlent en 1802 les institutions et le fonctionnement des cultes protestants (luthériens et réformés). En 1808 une organisation consistoriale juive est créée dans chaque département comptant 2 000 juifs. L’État reconnaît ainsi quatre cultes et leur attribue une utilité sociale. Le Concordat entérine la nationalisation des biens d’Église catholiques opérée par les révolutionnaires, ainsi que la restructuration des diocèses et des paroisses. Il reprend aussi la nomination des évêques par le chef de l’État. Pour les protestants, deux Églises sont mises en place à l’échelon national. Elles sont divisées en consistoires. Les traitements des prêtres, des pasteurs et des rabbins sont pris en charge par l’État.
De 1879 à nos jours
Le régime mis en place perdure en Alsace- Moselle lors du rattachement à l’Allemagne en 1870. La loi de séparation promulguée en vieille France en 1905 proclame la neutralité religieuse de l’État et conduit à la privatisation des religions, contraintes d’exister comme des associations de droit privé. Elle met fin au financement des traitements des ministres par l’État. Celui-ci se contente de garantir le libre exercice du culte, mais n’en reconnaît aucun. Cette loi ne s’applique pas aux Églises d’Alsace-Moselle, sous obédience allemande jusqu’en 1918. Après le retour à la France, le gouvernement d’Édouard Herriot tente en 1924 d’introduire aussi en Alsace-Moselle la loi de séparation, mais, au vu des résistances, il finit par y renoncer. La séparation est imposée le 13 août 1940 par l’occupant allemand, mais à la Libération, le Concordat de 1801 et les Articles organiques de 1802 sont rétablis par l’État français.
La situation aujourd’hui
Le Concordat et les Articles organiques constituent l’une des principales matières de la législation spécifique à l’Alsace-Moselle. Ainsi, l’État prend en charge les traitements et les retraites des ministres des quatre cultes reconnus ainsi que celui des évêques catholiques, des présidents des deux Églises protestantes et de certains employés laïcs. Les communes ont l’obligation de loger les ministres. Les régions, départements et communes peuvent accorder des subventions aux établissements du culte. L’enseignement religieux est assuré dans les écoles (Loi Falloux de 1850).
L’État nomme le président et le vice-président de l’Église de la Confession d’Augsbourg sur proposition du Consistoire supérieur. L’élection des inspecteurs ecclésiastiques et laïcs est notifiée au ministre de l’Intérieur qui dispose d’un délai de deux mois pour s’y opposer, s’il l’estime utile. Enfin, la nomination des ministres du culte est soumise à l’agrément de l’État.
Dans leur vie courante, les quatre cultes reconnus bénéficient d’une large autonomie. L’État reconnaît le droit interne des Églises et les changements de type règlementaire auxquels elles peuvent procéder en toute liberté.
Le statut des cultes non reconnus
Après un contrôle initial, ces cultes, parmi lesquels figure l’islam, peuvent fonctionner comme des associations de droit local. Ils bénéficient d’une grande liberté d’organisation et leur action ne se limite pas au seul exercice du culte, à la différence des associations cultuelles en vieille France. Les collectivités publiques peuvent leur verser des subventions. Ils bénéficient aussi des avantages fiscaux reconnus en vieille France par les lois en faveur des associations cultuelles.