En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé et la loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant…
Un jeune juif kidnappé par le Vatican
Quelques 60 ans après sa première apparition sur le devant de la scène avec son film Les poings dans les poches (1965), et après aussi quelques plus récentes productions qui ont été marquées par de jolis succès – un film épique sur la mafia sicilienne, Le traître en 2019, et une toute première minisérie, Esterno notte racontant l’enlèvement d’Aldo Moro par un commando des Brigades rouges, série diffusée sur Arte – Bellochio choisit de traiter d’une histoire vraie. Celle d’un jeune juif kidnappé par les autorités papales, « l’affaire Mortara » comme on la désigne classiquement, un fait divers qui devint un véritable scandale international, sans que pourtant rien ne vienne infléchir la décision de Rome qui, au contraire, multiplia les obstacles et les fins de non-recevoir.
De facture très classique, avec une certaine texture romantique pour dire ce drame historique, Bellochio propose aussi quelques savoureux moments comme lorsque le film capture la confusion ressentie par Edgardo alors qu’il est forcé d’adorer un dieu différent, dont il apprend à plusieurs reprises qu’il aurait été tué par des juifs. Une forme de rage apparaît dans le traitement de cette affaire par le cinéaste italien, que l’on perçoit dans des envolées tant visuelles que sonores.
Bellochio tente également de montrer la différence entre les Mortara et le Vatican, opposant la famille aimante et plutôt modeste à une institution toute puissante qui est sur le point de s’effondrer.
La question des conversions forcées
Mais comme le révèle Bellocchio, si le Vatican a perdu une grande partie de son territoire après 1870, il est resté néanmoins suffisamment puissant pour exercer une influence sur la population italienne, y compris sur les jeunes hommes convertis par force, une forme d’horreur diabolique qui s’inscrit dans une opposition totale à la liberté offerte par les évangiles et que, parfois, certaines prétentions religieuses contemporaines rappellent. Demeurera tout de même l’extraordinaire dignité de cette mère juive sur son lit de mort, qui résiste à l’ultime tentative de conversion.
L’enlèvement est aussi brillant et révélateur qu’il est magistralement raconté en maintenant l’intensité dramatique pendant 2h14. C’est un film qui démontre, une fois de plus, la grande classe de Bellocchio.