Au premier abord, ce livre épais décourage : multitude de faits limités, ponctuels, multitude aussi de personnages nommés, situés. Est-ce maladresse ? Réflexion faite, non. C’est voulu. L’auteur, spécialisée dans l’étude de l’Occupation, a voulu réagir contre une historiographie imposée par le livre de Paxton, 1970, qui ne voyait dans la Résistance que le rôle d’un petit nombre de grands personnages et ignorait les autres, l’immense majorité de gens souvent modestes qui sont intervenus petitement et dont on ignore souvent les noms, mais sans qui, selon Limor Yagil, rien ne se serait fait. Précisons que l’étude s’en tient aux premières années de la guerre, quand il n’y avait pas encore de faux résistants.
De fait, les premiers furent ces nombreux anonymes. Ils sont entrés en résistance surtout par instinct, par colère, avec le sentiment qu’il s’était passé quelque chose d’inadmissible et qu’il fallait réagir. Réagir même seul et selon les occasions : Tel aviateur anglais à faire évader, une famille juive en mal de papiers, une maison d’accueil, la nourriture ; également savoir se taire pour bloquer une opération de police. Beaucoup de ces résistants anonymes furent des femmes. Citons les assistantes sociales qui utilisent leur position officielle dans les différents services administratifs pour effectuer des actes clandestins comme faire passer la ligne de démarcation, fournir des faux papiers, placer des juifs en lieux sûrs. C’est dans ce genre de choses qu’a débuté […]