Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes cette année, Les cinq diables, le nouveau et deuxième long métrage de la réalisatrice Léa Mysius est sorti ce mercredi. Un film très original et quelque peu déstabilisant, fait de fantastique, de récit dramatique existentiel, avec une dimension initiatique, ce qu’il faut de romance et enfin, une approche métaphorique capitale, le tout porté par un excellent casting.

Vicky, petite fille étrange et solitaire, a un don : elle peut sentir et reproduire toutes les odeurs de son choix qu’elle collectionne dans des bocaux étiquetés avec soin. Elle a extrait en secret l’odeur de sa mère, Joanne, à qui elle voue un amour fou et exclusif, presque maladif. Un jour Julia, la sœur de son père, fait irruption dans leur vie. Vicky se lance dans l’élaboration de son odeur. Elle est alors transportée dans des souvenirs obscurs et magiques où elle découvrira les secrets de son village, de sa famille et de sa propre existence.

Il y a des films qu’il faut tout simplement regarder et se laisser imprégner. S’ouvrir à l’expérience sans vouloir tout comprendre, tout analyser.

Et de là, des jaillissements intérieurs peuvent se manifester, la métaphore faisant alors son travail intrinsèquement, et même ce qui ne fait pas forcément sens en soi parvient à trouver place et raison d’être. C’est sans doute la meilleure façon d’aborder Les cinq diables. Une histoire complexe, notamment par la fine écriture du scénario et sa mise en scène où la linéarité du temps se perd et où la magie opère (dans tous les sens de l’expression).

C’est un environnement toxique que celui de la jeune Vicky, fait d’harcèlement, de rejet, d’homophobie, de racisme… les mots pouvant résonner ici les uns avec les autres très facilement. Un mal qui peut être très insidieux et qui peut se répandre comme un terrible poison…

Mais au milieu de tout ça, c’est une histoire d’amour qui émerge. Celle de cette enfant pour sa mère, au risque de ne pas supporter qu’une autre s’immisce à l’intérieur – verbe à conjuguer d’ailleurs à tous les temps, au passé comme au présent, peut-être même au futur. Mais, restons-en-là sur l’histoire pour laisser place à l’émotion, véritable force du travail de Léa Mysius et de son équipe de comédiennes et comédiens assez bluffante, il faut bien l’avouer.

Avec en particulier la petite pépite découverte pour l’occasion, qui se révèle dans ce premier rôle, celui de Vicky, la toute jeune Sally Dramé, âgée de 8 ans au moment du casting. Si son odorat est sa force dans le scénario, son regard face à la caméra est d’une puissance incroyable, et son impact sur l’histoire tout à fait magistrale, me rappelant celui de la petite Quvenzhané Wallis dans le rôle d’Hushpuppy dans Les bêtes du sud sauvage (qui lui a valu tout de même une nomination aux Oscars à l’époque).

À ses côté, Adèle Exarchopoulos est tout à fait impeccable et apporte aussi une belle énergie au récit. Mais plus globalement chacune, chacun est là à sa place comme Patrick Bouchitey, Swala Emati, Moustapha Mbengue…

Enfin il faut signaler la qualité de l’image, de cette photo magnifique, liée en partie à la volonté de Léa Mysius de filmer cette histoire en 35 mm.

La réalisatrice explique qu’« on pense que ce n’est qu’un support mais il y a quelque chose de fort avec le 35mm, presque de sacré, qui collait à l’énergie et l’univers du film. La sensation de regarder les rushes qui arrivent deux jours après, c’est ce désir qui nourrit la fabrication. Ça influence le jeu des comédiens, le travail des techniciens et ma manière de filmer ».