Le pape a-t-il honteusement ignoré la Shoah ou au contraire tenté d’agir pour en atténuer les effets ? Grâce à des prêts d’archives inédites, le Mémorial de la Shoah s’intéresse aux positions de toutes les Églises chrétiennes sur ce sujet, en France et en Europe. Les documents exposés proviennent notamment du Vatican, de l’Église catholique et de l’Église réformée de France. Expliqués et commentés, ils permettent de mieux comprendre en replaçant les choses dans leur contexte.

Du pape aux catholiques

Des archives vaticanes ressort le souci prioritaire d’assurer la survie de l’Église et de protéger les catholiques. Cela explique les hésitations et la prudente réserve de Pie XII pendant la guerre. L’ancienne culture catholique antisémite est également rappelée (statues de la Synagogue aveugle dans les églises, conception du « peuple déicide »…). Certains se sont fortement compromis, comme le cardinal Suhard qui soutient le régime de Vichy et les lois anti-juives. Cette situation s’observe aussi en Europe, par exemple avec le président slovaque pronazi Tiso qui était aussi prêtre. À l’inverse, cinq cardinaux et évêques (dont ceux de Toulouse et de Lyon), ont fait lire dans leurs diocèses des lettres pastorales de protestation contre les mesures antisémites en 1942, dont le retentissement a été important. De nombreux prêtres et religieux dans les monastères ont caché des juifs ou fabriqué de faux certificats de baptême.

Les protestants et Le Chambon

À Jérusalem, les visiteurs du monde entier au mémorial YadVashem découvrent le nom du Chambon associé aux seules photos exposées d’enfants souriants et jouant en plein air. Le Chambon-sur-Lignon et l’ensemble du plateau ont été faits – dignité unique en France pour une communauté – Justes parmi les nations, pour avoir recueilli et caché des Juifs dont de très nombreux enfants. Le rôle du pasteur André Trocmé et de sa femme Magda est souligné, avec celui de l’ensemble de la population protestante. Au niveau national, Marc Boegner s’exprime en tant que président de la FPF avec des lettres de protestation à Pétain et de soutien au grand rabbin de France en 1941 sur le sort réservé aux Juifs.

Après les grandes rafles de 1942, l’Église réformé rédige une lettre à faire lire dans tous les temples de France, qui appelle à la solidarité des fidèles avec les Juifs et condamne les persécutions. À l’étranger, les réseaux œcuméniques (majoritairement protestants) prennent le relais pour dénoncer le plan d’extermination, ainsi que certains hauts prélats orthodoxes grecs et bulgares.

L’importance de l’humain

Les commissaires de l’exposition voudraient que le visiteur retienne l’importance du rôle des individus au sein des institutions, ce qui explique la pluralité des réactions. Il y avait des perceptions différentes au sein même de la cellule diplomatique du Vatican, chez les évêques et jusqu’aux paroissiens de base. D’une certaine manière, les protestants qui lisaient la Bible, nourris d’Ancien Testament et dont le souvenir des persécutions en France était encore vivace, avaient plus naturellement la capacité de prendre du recul pour s’opposer à l’antisémitisme.

À la sortie, le visiteur éprouve de la reconnaissance pour les pasteurs, prêtres et religieux qui ont fait vivre le message chrétien, ont agi et pour certains sont allés grossir le flot des déportés ou morts pour faits de résistance.