Troisième volet d’une trilogie consacrée à l’accompagnement, ce documentaire ne s’enferme ni dans le pathos ni dans le constat clinique. Il prend le parti de la vie, de la créativité, du souffle. Et c’est ce qui le rend profondément bouleversant.
L’histoire d’une folle aventure où patients atteints de la maladie d’Alzheimer et soignants se rejoignent pour vivre une expérience thérapeutique unique faite de théâtre, de musique et de poésie. Dans cette grande maison ouverte, l’accompagnement prend une tout autre forme : plus de blouses blanches ni de couloirs aseptisés, mais des esprits libres et bien vivants.
Tout commence dans une maison. Ni hôpital, ni EHPAD traditionnel, mais un lieu de vie où les murs résonnent de musique, de rires, de textes poétiques. Les blouses blanches ont disparu. Les couloirs froids ont laissé place à des espaces habités. Ici, soignants, artistes et patients se rencontrent autrement – dans une aventure humaine et artistique collective, où le théâtre, la danse et la musique deviennent des langages nouveaux. Ces « esprits libres », ce sont ces personnes atteintes d’Alzheimer que l’on cesse de réduire à leur diagnostic, pour les considérer comme des partenaires d’un jeu profondément sérieux : celui de rester vivant.
Soigner par la relation
Le documentaire montre que l’accompagnement peut se penser autrement. Non plus comme une gestion de symptômes ou un protocole, mais comme une relation de confiance, de jeu, d’invention. Il ne s’agit plus simplement de « prendre soin », mais de « faire avec ». Les patients ne sont pas mis à l’écart : ils sont au centre, créateurs eux aussi de ce monde éphémère et joyeux. On retrouve ici une valeur fondatrice de la foi chrétienne : la dignité irréductible de chaque être humain, quelle que soit sa vulnérabilité. Dans ce lieu, on ne cherche pas à faire oublier la maladie, mais à faire surgir la personne. Une parole biblique résonne alors avec force : « Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Corinthiens 3.17). Ces esprits dits « malades » sont, en vérité, profondément libres dès lors qu’on leur donne un espace pour être, créer, aimer.
Un souffle d’espérance dans l’épreuve
La proposition du réalisateur, par ce documentaire, est particulièrement intéressante dans une réflexion plus large sur nombre de questions aux résonnances éthiques. Ce n’est pas un film sur ce que l’on perd, mais sur ce que l’on peut encore vivre. Dans une société où Alzheimer est souvent synonyme de déclin inexorable, le documentaire ouvre une brèche d’espérance. Il ne nie pas la difficulté, mais il la traverse avec tendresse et courage. Pour les Églises et les croyants, ce film peut être reçu comme un appel à repenser notre manière d’être présents auprès des personnes malades, porteuses d’un handicap, âgées ou tout simplement fragiles. Et si accompagner, c’était aussi inventer, créer, chanter, danser — oser croire que la grâce peut surgir là où on ne l’attend pas ?
Avec Les esprits libres, Bertrand Hagenmüller signe un film nécessaire, à la fois humble et audacieux. Un film qui ne cherche pas à édulcorer la réalité, mais à révéler, en creux, cette parole essentielle : la vie ne s’arrête pas au diagnostic. Tant qu’il y a relation, tant qu’il y a souffle, il y a liberté.