Des photos de vacances, aux bordures crénelées, surgissent des cris de joie, des rires évanouis, les étreintes d’autrefois. Qu’en reste-t-il ? On ne le sait. Raison de plus pour profiter de l’instant, pour vivre avec son temps. La langue verte invite à se faire la malle, offrons-nous des lectures afin de traverser l’été sans encombres.
Lisez-vous Vidalie ? Mieux que tout éloge, les titres de ses romans: «La bonne Ferte », « Chandeleur l’artiste », « La Belle Française » … On ne trouve guère ici de révolution, pas non plus de la pensée réactionnaire. Non…C’est un entre-deux de l’après-guerre. Il y a du Robic ou du Bobet chez ce champion que l’histoire littéraire a laissé sur le bord de la route. Les récits de cet ami de Blondin penchent du côté de la fantaisie, de la bonne humeur avec ce grain de mélancolie qui signe les meilleurs. Ils sont toujours disponibles. En collection de poche le plus souvent. Commencez vos vacances par ce détour. Après ?
Sophie Doudet, maître de conférences à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix en Provence propose un portait drôlement désigné : « Churchill à la plage » (Dunod, 208 p. 15,90 €). C’est un ouvrage de collection : Collette, Galilée, Shakespeare et Platon, tous vont à la plage. Mais celui-ci nous plaît, d’abord parce que Sophie Doudet, femme de science attentive à l’esprit public, adore divertir avec intelligence. Ensuite parce que le bonhomme captive à tout moment. Nous prendrons le temps, cet automne, de raconter les 1250 pages qu’Andrew Roberts a consacré au Vieux lion et que les éditions Perrin vont publier. En attendant, cette friandise dit l’essentiel sur un ton vif. Pourquoi se priver ?
Que vous aimiez par-dessus tout l’Alsace ou les Cévennes, le pays de Chateaubriand, celui de Gracq ou les vignobles de Mauriac, ne perdez pas le Midi. Frédéric d’Agay compose « Le voyage en Provence, de Pétrarque à Giono » (Robert Laffont collection Bouquins, 1344 p. 32 €)
« C’est la Provence qui donne si fortement à la France un point d’appui en Méditerranée et nous rattache à la Grèce et à la Rome antiques, observe l’auteur de cette belle anthologie. C’est elle qui fait de l’Italie notre sœur et de tous les pays de la Mare Nostrum nos cousins, nos amis, nos égaux,. La nourriture est partout embaumée par l’huile d’olive, les anchois, les pois chiches et l’ail… Le monde méditerranéen est matriarcal : la Mama règne partout ! Comme la sieste, la rareté et le goût de l’eau, la fraîcheur du vin, l’ombre des tentes, des tonnelles, des platanes, mûriers, micocouliers et autres caroubiers. »
Dans ce volume, il y a de quoi tenir un siège: Thiers ou Berlioz, Pagnol ou Cohen, Léon-Paul Fargue ou Simenon, Mark Twain ou Audouard. A ceux des protestants qui trouveraient trop d’éclats, d’ostentation, de lumière, à ce versant de la France, il est permis de rappeler que la geste de Chamson demeure accessible en nos librairies de quartier.
Désirez-vous d’ultimes suggestions? Toujours une place pour Waresquiel et son Stendhal (« J’ai tant vue le soleil », Gallimard 118 p. 13 €), et toujours le granit de Le Clézio (« Chanson bretonne », 153 p. 16,50€ ). Dans votre bagage enfin, glissez comme une pincée de tendresse et de lucidité. C’est ancien, posthume, un hymne à l’amour, à la vie des mots, des phrases. « De livre en livre » est son titre. On y lit, notamment, cette profession de foi : « Il y a une chose qui me stupéfie, quand je regarde (sans les lire) les rubriques littéraires des journaux, c’est que les types qui soi-disant rendent compte des livres ne préviennent jamais le lecteur qu’ils ne les ont pas lus. Or, jamais ils ne les ont lus. C’est impossible. Lire un livre de quelques centaines de pages, cela demande des jours et des jours. Il y a deux choses interminables, dans la vie : faire bouillir de l’eau et venir à bout de la lecture d’un livre. » L’auteur de cet ouvrage était écrivain-journaliste, un homme de l’art. Il se nommait Michel Cournot. Chaque matin, je me lève à cinq heures et je dévore, dévore, dévore des pages. Non pour le faire mentir, mais pour lui rendre hommage.
Musica Maestro…