En salles ce mercredi 13 juillet, Les nuits de Mashhad, récompensé au dernier Festival de Cannes par le prix d’interprétation féminine à l’actrice Zar Amir Ebrahimi, raconte une histoire sombre et captivante inspirée de faits réels, : celle de Saeed Hanaei, l’assassin de 16 prostituées iraniennes entre 2000 et 2001.

Un père de famille se lance dans sa propre quête religieuse : « nettoyer » la ville sainte de Mashhad des prostituées. Après avoir assassiné plusieurs femmes, il est de plus en plus désespéré par le manque d’intérêt du public pour sa mission divine.

Le cinéaste danois d’origine iranienne Ali Abbasi raconte la dramatique histoire de Saeed Hanaei qui a assassiné 16 travailleuses du sexe au cœur de la ville sainte de Mashhad, afin de nettoyer la cité de l’immoralité.

“Elles étaient pour moi aussi inutiles que des cafards”, a déclaré le tueur, la nuit précédant son exécution. Son absence de remords et son apparente motivation morale ont fait de lui un étrange héros populaire pour un certain nombre d’extrémistes islamistes (même si l’homme aurait admis avoir eu des relations sexuelles avec certaines de ses victimes, ce qui réduit quelque peu ses prétentions de supériorité morale).

Le cinéaste Abi Abbasi était alors étudiant à Téhéran. Ce fait divers a pesé lourdement sur son esprit au point de l’inspirer pour réaliser son film qui cherche à démêler les faits et surtout chercher à comprendre les mécanismes religieux, sociétaux et même familiaux qui ont nourri l’affaire. S’il s’inspire donc directement des crimes de Haneai, il y ajoute l’histoire d’une femme journaliste (Zar Amir-Ebrahimi absolument remarquable – son prix d’interprétation à Cannes étant une juste et touchante récompense) qui devient le fil conducteur de la narration et la véritable héroïne élargissant aussi considérablement l’angle de vue.

Elle arrive de Téhéran à Mashhad pour enquêter sur les meurtres et se heurte immédiatement à une police indifférente et parfois malveillante et à des femmes prostituées ou leurs familles qui sont naturellement réticentes à parler. C’est une femme, au demeurant, qui est obligée de se battre à chaque minute de sa vie, même lorsqu’elle essaie de réserver une chambre d’hôtel. Abbasi montre une société qui a déjà fait son choix. Apparemment, la violence peut être pardonnée s’il y a une “raison” à cela. On ne peut pas reprocher à un “bon père de famille” d’essayer de sauver ses enfants de la présence de femmes “corrompues”…

Ce qui est intéressant dans Les nuits de Mashhad, c’est le fait qu’Abbasi montre ces femmes, qui ne sont pas de simples victimes anonymes. Elles ont évidemment leurs histoires, des personnalités différentes, des luttes et des approches variées de la profession qui – aux yeux de beaucoup – les a déjà rendues “sans valeur”.

Une fois encore ici, ce sont les femmes qui sont la source de tous les maux et dont il faut se débarrasser discrètement. Pas leurs clients brutaux, pas leurs accusateurs, pas même leurs tueurs. C’est toujours de leur faute, et les rues doivent être purgées de la dépravation…

Il y a, de la sorte, quelque chose dans ce film qui met sans doute extrêmement mal à l’aise (il faut du moins l’espérer), et ce n’est pas dû à la violence, qui reste contenue. Et c’est surtout précisément la façon dont les gens réagissent ici, dont ils déshumanisent ces femmes si facilement, qui est vraiment terrible.

Le réalisateur prend également le risque de montrer un meurtrier qui peut aussi être gentil à ses heures, qui peut être tendre, qui n’est pas seulement une silhouette sortant de l’ombre la nuit, qui n’est pas qu’un affreux bonhomme manipulé par une religiosité qui ne relie certainement pas à Dieu mais qui clairement l’en sépare. Et en cela nous pouvons nous souvenir que rien n’est jamais juste blanc ou noir, et que de belles apparences peuvent cacher parfois le pire !

De quoi certainement en tout cas méditer, regarder peut-être à la lumière d’un texte biblique, comme celui dans les évangiles, où Jésus s’agenouille dans la poussière d’une femme accusée pour se positionner comme celui qui fait grâce, relève et qui en plus envoi.