Les Vieux, au cinéma depuis ce mercredi 24 avril. Non pas une nouvelle comédie caustique qui nous embarquerait dans un Ehpad qui dérape… mais un documentaire de Claus Drexel intelligent, émouvant, ne manquant pas d’humour et offrant une vraie et belle réflexion sur la vie.

Ils sont de toutes origines et ont vécu près d’un siècle. Ils ont traversé les bouleversements de l’histoire. Ils sont drôles, émouvants, rebelles. Ils nous surprennent et nous émerveillent. Pourtant, on entend rarement leur voix. Ce film est une invitation au voyage à travers la France, à leur rencontre : les Vieux.

Le cinéma c’est aussi un espace physique et temporel offert pour se poser et faire une pause. Installé dans un fauteuil généralement assez confortable, loin du smartphone qui, pour une fois, doit rester éteint, le moment ouvre alors à une expérience pouvant être divertissante ou plus réflexive (et parfois même le « ou » devient « et »). Les Vieux entre, d’une certaine manière, dans cette catégorie, même si le divertissement ici ne passera pas par des cabrioles et des effets spéciaux éblouissant.

Mais, ces hommes et femmes rencontrés par l’expérimenté cinéaste d’origine bavaroise (mais travaillant principalement en France) Claus Drexel ont cette capacité simple de nous faire sourire, nous émouvoir, toucher au cœur. Derrière leurs mots, leurs remarques, leurs questionnements, nous nous retrouvons nous aussi à les suivre dans ce processus et nous interroger, réfléchir à nos propres existences, nos joies, nos doutes, nos blessures.

Nous nous posons dans un fauteuil de cinéma, mais Drexler lui aussi le fait avec sa caméra. Il voulait simplement écouter ces personnes âgées que notre société occidentale, centrée sur le productivisme et le profit, ne considère souvent plus que comme un problème.

Ecouter des expériences de vie

Pourtant, ces gens ont une expérience de vie bien plus grande que la nôtre ; ils représentent une richesse énorme mais, en dehors des relations que l’on a avec les membres de nos familles, on ne les entend pas. Drexler voulait leur donner la parole, aimant prêter l’oreille à ceux qui ne s’expriment pas comme dans d’autres de ses documentaires précédents…

Aller vers l’autre, découvrir celui qui est différent de moi, de nous. Et il le fait si bien ! Plans fixes qui s’enchainent, face à face avec ces vieux, seuls ou en petits groupes. Des plans extérieurs (de toute beauté) parfois viennent apporter une respiration pour enchainer et progresser avec eux.

Du baron à l’ouvrier en passant par l’immigré, tous racontent l’histoire du pays et sa transformation au fil des décennies.

La surprise s’immisce parfois dans les propos où la liberté d’expression est une évidence. Beaucoup d’entre eux livrent ainsi des réflexions auxquelles on ne s’attendrait pas. Dans une forme d’abandon… et naturellement, la fin de vie et la mort entrent dans le fil des confessions. Et c’est un sentiment plutôt général de sérénité qui ressort. Le réalisateur balaie, de la sorte, les préjugés et va directement poser les questions aux principaux concernés. Il y a ceux qui attendent la mort, d’autres qui lui en veulent de leur avoir retiré leurs êtres les plus chers et d’autres encore qui espèrent qu’elle arrivera le plus tard possible.

Mais tout n’est pas rose non plus, et pour certains leur réalité, leur quotidien force l’émotion. Certaines scènes présentent des personnes que le handicap ou la maladie ont rendu particulièrement vulnérables. Le réalisateur assume. « Werner Herzog, l’un de mes maîtres, dit : « Le poète ne doit pas détourner les yeux. » Je partage cette maxime. Même si j’essaie de réaliser des films beaux et attachants, je ne veux pas non plus fuir la réalité, l’adoucir ou l’édulcorer. Je veux la regarder en face. »